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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/143

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reçu les derniers sacrements de l’église avec une ferveur et une piété, qui pénétrèrent les assistants de dévotion et de tristesse, il rendit son âme au seigneur le 28 de janvier 1688.

Il fut généralement regretté de l’empereur, des Grands, et du peuple, qui avaient conçu la plus haute idée de sa vertu et de sa capacité ; des missionnaires qui lui devaient le rétablissement de la religion chrétienne, presque entièrement ruinée, et qu’il soutenait de tout son crédit à la cour ; et enfin des fidèles, dont il maintenait la ferveur, et dont il protégeait la faiblesse, soit en leur envoyant des ouvriers évangéliques, soit en étouffant les persécutions dans leur naissance, soit en prévenant celles dont ils étaient menacés.

Honoré de la faveur du prince, et dans le haut point de réputation où son mérite l’avait mis, il charmait tout le monde par sa douceur, sa modestie, son recueillement, et son humilité profonde : plus on lui applaudissait, plus il avait de bas sentiments de lui-même, n’estimant l’affection de l’empereur et des Grands, qu’autant qu’elle pouvait être utile à la propagation de la foi.

Dans toutes ses actions, il ne comptait que sur la protection divine, et plein de confiance en cette protection, nul obstacle ne l’arrêtait, dès qu’il s’agissait de la gloire de Dieu, et des intérêts de la religion ; aussi ne formait-il aucune entreprise, qu’il ne la recommandât à Dieu par des prières humbles et ferventes.

Insensible à toutes les choses de la terre, il ne pensait qu’à celles qui pouvaient procurer le solide établissement de la foi : visites ou conversations inutiles, lecture de livres curieux, nouvelles même d’Europe, qu’on lit avec tant d’empressement, quand on est si fort éloigné de sa patrie ; il se retranchait tout cela, regardant comme des moments perdus tous ceux qui n’étaient pas consacrés aux fonctions utiles à la religion : son temps était employé, ou à calculer avec un travail infatigable les mouvements des astres, pour composer le calendrier de chaque année ; ou à instruire les fidèles et les catéchumènes ; ou bien à écrire des lettres aux missionnaires, pour les consoler et les fortifier, aux vice-rois et aux mandarins, pour leur recommander les chrétientés qui étaient dans leur département, et aux jésuites d’Europe, pour les inviter à venir cultiver un aussi vaste champ que celui de la Chine.

Ses papiers de dévotion, qu’on a lus après sa mort, ont fait connaître jusqu’où allait la délicatesse de sa conscience ; quelle était la rigueur de ses austérités corporelles ; avec quelle attention il veillait sur tous les mouvements de son cœur, nonobstant la foule de ses occupations ; et enfin avec quelle ardeur il aspirait au bonheur de donner sa vie pour J. C.

On lui a souvent entendu dire qu’il n’aurait jamais accepté la charge qu’il remplissait, s’il n’avait espéré, qu’au cas qu’il s’élevât quelque nouvelle tempête contre la religion, il en serait la première victime ; et que les idolâtres qui le regardaient comme le chef des chrétiens, lui feraient porter tout le poids de la persécution. Sa charité ne connaissait point de bornes, quand il s’agissait de pourvoir aux besoins des autres, tandis qu’il