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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/151

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grand empire du monde, devint si habile dans les mathématiques, qu’il composa un livre de géométrie : il le donna aux princes ses enfants, dont il voulut être le maître, en les assemblant tous les jours, et leur expliquant les proportions les plus difficiles d’Euclide.

Cette bonté, dont l’empereur avait constamment honoré les missionnaires, et qu’il poussait même jusqu’à une espèce de familiarité, répondait de sa protection pour le christianisme, et semblait inviter à venir dans ses États un grand nombre d’excellents sujets, qui soupiraient après cette mission.

Leur zèle, tout ardent qu’il était, fut ralenti, ou du moins suspendu, par les contestations qui s’élevèrent entre deux puissances, lesquelles exigeaient une obéissance, qu’on ne pouvait rendre à l’une, sans offenser l’autre. La Sacrée Congrégation avait envoyé des vicaires apostoliques dans tout l’orient, et avait institué un serment, par lequel chaque missionnaire devait reconnaître leur autorité. D’une autre part, le roi de Portugal défendait de prêter ce serment, prétendant qu’il avait lui seul le droit d’y nommer des évêques. On se trouvait par là dans la triste nécessité de choquer l’une ou l’autre autorité.

Cependant les jésuites, et quelques autres religieux, obéirent aux ordres de la Sacrée Congrégation ; persuadés que l’intention d’un prince aussi zélé pour la religion que le roi de Portugal, n’était pas de risquer pour ses intérêts particuliers la ruine du christianisme à la Chine, et peut-être dans toutes les autres parties de l’Orient.

Les choses s’accommodèrent dans la suite ; et sur les remontrances qui furent faites par le père Tachard au pape Innocent XI, Sa Sainteté suspendit le serment. Alexandre VIII, son successeur accorda peu après trois évêques à la nomination du roi de Portugal ; l’un pour Peking, l’autre pour Nan king, et le troisième pour Macao.

Cependant la religion chrétienne n’était que tolérée à la Chine : et l’édit porté par l’empereur au commencement de sa majorité, qui rétablissait dans les églises les missionnaires exilés pendant la dernière persécution, défendait à tous ses sujets d’embrasser désormais la Loi chrétienne. Il est vrai que les Pères qui étaient à la cour, obtenaient des recommandations puissantes auprès des vicerois et des mandarins des provinces, qui les engageaient à fermer les yeux aux nouveaux établissements, et à ne pas inquiéter ceux des Chinois, qui écoutaient plutôt la voix de Dieu, que celle des hommes. Néanmoins il y en avait plusieurs, surtout parmi les Grands, qui, arrêtés par la crainte de perdre leur fortune, n’osaient suivre la vérité connue.

D’ailleurs il en coûtait beaucoup pour obtenir ces sortes de recommandations. Outre le cérémonial du pays, si gênant pour des étrangers, et qu’on doit exactement observer, lorsqu’on visite les seigneurs ; outre les moments favorables qu’il faut étudier, et les précautions qu’on doit prendre, on ne se présente guère devant eux, pour leur demander quelque grâce, sans accompagner sa requête d’un présent : on n’est pas même toujours sur de réussir. Un viceroi attaché à la secte des bonzes,