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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/150

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Le P. Thomas, le P. Gerbillon, et le P. Bouvet eurent ordre de composer des traités sur ces matières. Le premier eût pour son partage l’arithmétique, et les deux autres étaient chargés des éléments d’Euclide et de la géométrie. Ils composaient leurs démonstrations en langue tartare, la langue chinoise étant moins propre à éclaircir des matières obscures d’elles-mêmes. D’ailleurs ceux qu’on avait donnés aux Pères pour maîtres en cette langue, revoyaient avec eux les démonstrations et si quelque mot était moins propre, ils en substituaient un autre à sa place.

Ils allaient tous les jours au palais, et passaient deux heures le soir, à expliquer leurs démonstrations à l’empereur, qui admirant la solidité de nos sciences, s’y appliquait chaque jour avec une ardeur nouvelle. Il faisait monter les Pères sur son estrade, et les obligeait de s’asseoir à ses côtés, pour lui montrer les figures, et les lui expliquer plus aisément. Il n’interrompait pas même son étude, lorsqu’il demeurait dans sa maison de plaisance, qui est à deux lieues de Peking.

Il fallait que les Pères partissent dès quatre heures du matin pour s’y rendre, ils ne revenaient à Peking que fort tard, et étaient obligés de passer une partie de la nuit à préparer les leçons du lendemain. Il n’y avait que l’espérance de faire goûter à l’empereur les vérités de la foi, ou du moins de le rendre favorable à la religion, qui pût soutenir les missionnaires dans une semblable fatigue, dont ils étaient quelquefois accablés.

L’empereur continua cette étude durant cinq ans avec la même assiduité, sans rien diminuer de son application aux affaires de l’État, et sans manquer un seul jour de donner audience aux grands officiers de sa maison, et aux cours souveraines. Il ne se contentait pas de la spéculation, il mettait en pratique ce qu’on lui avait enseigné.

Quand, par exemple, on lui expliquait les proportions des corps solides, il prenait une boule, et en mesurait le diamètre. Il calculait ensuite quel poids devait avoir une autre boule de même matière, mais d’un plus grand ou d’un plus petit diamètre ; ou bien quel diamètre devait avoir une boule d’un plus grand ou d’un plus petit poids.

Il examinait avec le même soin les proportions et la capacité des cubes, des cylindres, des cônes entiers et tronqués, des pyramides, et des sphéroïdes. Il nivela lui-même durant trois ou quatre lieues la pente d’une rivière. Il mesurait quelquefois géométriquement les distances des lieux, la hauteur des montagnes, la largeur des rivières et des étangs, prenant ses stations, pointant ses instruments, et faisant exactement son calcul : puis il faisait mesurer ces distances ; et il était charmé, quand ce qu’il avait trouvé par le calcul, s’accordait parfaitement avec ce qu’on avait mesuré. Il recevait avec plaisir les applaudissements des seigneurs de sa cour, qui lui en marquaient de la surprise : mais il les tournait presque toujours à la louange des sciences d’Europe, et de ceux qui les lui enseignaient.

Enfin ce prince, tout occupé qu’il était du gouvernement du plus