Aller au contenu

Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fait dans ce vaste empire, pour le bien de la religion, et pour soutenir dans leurs fonctions tous ceux qui y travaillent ; et de vous assurer que dans toutes les occasions qui se présenteront, elle vous donnera des marques de sa protection et de sa bienveillance. »


De quelque protection que l’empereur honorât les ministres de l’Évangile et quelque crédit que la faveur du prince leur donnât auprès des Grands, on avait toujours quelque révolution à craindre pour le christianisme, tandis que la sévérité des lois qui défendaient aux Chinois de l’embrasser, donnait aux mandarins le droit de le proscrire dans les lieux de leur dépendance.

Le tribunal des rits a été de tout temps ennemi de toute loi étrangère, moins par attachement pour la religion du pays, que par esprit de politique. Dans les provinces, les mandarins sont naturellement prévenus contre les missionnaires, soit par le mépris et l’aversion, que l’éducation chinoise inspire pour les autres nations, soit par la jalousie et la malignité des bonzes qui les animent, soit par un zèle mal entendu du bien public, et le désir de se conformer au goût des tribunaux, auxquels ils font leur cour par leur attention à arrêter ce qu’ils appellent nouveautés étrangères.

On en fit la triste expérience dans la province de Tche kiang, où le viceroi uni avec tous les mandarins ses subalternes, prit la résolution d’exterminer le christianisme, et alluma à Hang tcheou la plus cruelle persécution, sans avoir égard aux lettres pressantes que lui écrivit le prince So san son protecteur.

Ce mandarin fit revivre toutes les procédures qu’on avait faites autrefois contre les prédicateurs de l’Évangile ; et s’appuyant de l’édit de 1669 qui leur défendait de bâtir des églises, et d’enseigner leur loi aux Chinois, il se crut en droit de tout entreprendre. Il renouvela cet arrêt, et fit afficher dans toutes les places publiques de Hang tcheou, et dans plus de soixante et dix villes de son gouvernement, une sentence, par laquelle il défendait, sous de grièves peines, l’exercice de la religion chrétienne.

Le père Intorcetta qui gouvernait cette église, fut cité à divers tribunaux, où il comparût, tout malade qu’il était, et où il confessa hautement le nom de Jésus-Christ avec un courage que ses juges mêmes admirèrent. Ce respectable vieillard, qui avait blanchi dans les travaux apostoliques, avait déjà eu le bonheur, durant la persécution d’Yang quang sien, d’être chargé de chaînes, et de souffrir pour la foi les rigueurs d’une dure prison. L’exemple du viceroi fut suivi de tous les mandarins de sa province ; et chacun d’eux à l'envi fit afficher partout des placards injurieux à la religion chrétienne, qu’ils traitaient de secte fausse et pernicieuse.

Le père Gerbillon était à la suite de l’empereur en Tartarie, lorsqu’il apprit ces tristes nouvelles. Il communiqua aussitôt sa peine au prince So san son ami, et l’un des plus puissants ministres de l’empire. Ce seigneur écrivit sur-le-champ au vice-roi, et lui manda que dans le gouvernement de sa province, il tenait une conduite bien contraire à la modération