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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/16

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On y voit surtout dans un de leurs livres canoniques nommé Chu king, que ce Tien, ce premier Être, l’objet du culte public, est le principe de toutes choses, le père des peuples, le seul indépendant, qui peut tout, qui n’ignore rien de ce qui est le plus caché, pas même le secret des cœurs ; qu’il veille à la conduite de l’univers ; que les divers événements n’arrivent que par ses ordres ; qu’il est saint, sans partialité, uniquement touché de la vertu des hommes, souverainement juste, punissant avec éclat le crime jusque sur le trône qu’il renverse, et sur lequel il place celui qui lui plaît ; que les calamités publiques sont des avertissements qu’il donne pour la réformation des mœurs ; que la fin de ces maux sont des traits d’une justice miséricordieuse, comme, par exemple, lorsqu’il arrête les grands dégâts causés sur les moissons et sur les arbres par un furieux ouragan, aussitôt qu’un illustre innocent, un prince Tcheou kong est rappelé de son exil, justifié de la calomnie, et rétabli dans sa première dignité.

On y voit des vœux solennels qu’on fait à ce maître suprême, pour obtenir de la pluie dans une longue sécheresse, ou pour la guérison d’un digne empereur, dont la vie est désespérée ; et ces vœux, à ce que rapporte l’histoire, sont exaucés. On y reconnaît que ce n’est pas par un effet du hasard qu’un empereur impie a été écrasé de la foudre, mais que c’est une punition visible du Ciel, et tout à fait extraordinaire pour les circonstances.

Les divers événements ne s’attribuent pas seulement au Tien, lorsqu’ils arrivent ; on n’en parle pas seulement dans les occasions où le vice est abattu et puni ; mais on compte qu’il le sera un jour, on en menace dans le temps même que le crime prospère. On voit par les discours de ces premiers sages de la nation, qu’ils ont cette persuasion intime, vraie ou fausse, peu importe, que le Tien par des prodiges, ou par des phénomènes extraordinaires, avertit des malheurs prochains, dont l’État est menacé, afin qu’on travaille à réformer ses mœurs ; parce que c’est le plus sûr moyen d’arrêter la colère du Ciel prête à éclater.

Il est dit de l’empereur Tcheou, qu’il a rejeté toutes les bonnes pensées que le Tien lui a données ; qu’il n’a fait nul cas des prodiges, par lesquels le Tien l’avertissait de sa ruine, s’il ne réformait ses mœurs : et lorsqu’il est fait mention de l’empereur Kié ; s’il eût changé de conduite, dit-on, après les calamités envoyées d’en haut, le Ciel ne l’aurait pas dépouillé de l’empire.

On y rapporte que deux grands empereurs, fondateurs de deux puissantes dynasties, respectés l’un et l’autre de la postérité pour leurs rares vertus, ont eu de grands combats intérieurs, lorsqu’il a été question de monter sur le trône. D’un côté ils y étaient sollicités par les Grands de l’empire et par le peuple, et peut-être même par des raisons secrètes d’ambition, difficiles à démêler d’avec les autres motifs spécieux. D’un autre côté, ils étaient retenus par le devoir et la fidélité qu’un sujet doit à son prince, quoique très haï, et très haïssable.

Ces combats intérieurs, cette incertitude qui troublait leur conscience, étaient l’effet de la crainte qu’ils avaient de déplaire au Chang ti, soit