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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/17

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en prenant les armes, comme on les en pressait ; soit en refusant de les prendre, pour délivrer le peuple de l’oppression sous laquelle il gémissait, et pour arrêter l’affreux débordement des crimes ; et ils reconnaissaient par là qu’ils dépendaient d’un maître, qui défend l’infidélité, qui hait la tyrannie, qui aime les peuples en père, et qui est le protecteur des opprimés.

Presque à toutes les pages des livres classiques, et surtout du Chu king, on ne cesse d’inspirer cette juste crainte, comme le frein le plus propre à retenir les passions, et le remède le plus sûr au vice. On y voit encore quelle idée ces princes s’étaient formés de la justice, de la sainteté, et de la bonté du maître souverain. Dans des temps de calamité publique, ils ne se contentaient pas d’adresser des vœux au Tien, et de lui offrir des sacrifices ; ils s’appliquaient encore à rechercher avec soin les défauts secrets et imperceptibles, qui avaient pu attirer ce châtiment du Tien ; ils examinaient s’il n’y avait point trop de luxe dans leurs habits, trop de délicatesse dans leur table, trop de magnificence dans leur train et dans leur palais, et ils songeaient à se réformer.

Un de ces princes avoue de bonne foi, qu’il n’a pas suivi les pensées salutaires que le Tien lui a données. Un empereur se reproche vivement quelque inapplication aux affaires, et trop d’ardeur pour des amusements d’eux-mêmes innocents, et il regarde ces défauts comme capables de lui attirer la colère du Tien. Il reconnaît humblement que c’est là la source des malheurs publics.

Dans le livre canonique appelé Tchun tsiou, on parle des malheurs d’un prince, comme d’autant de punitions du Tien, qui pour comble de châtiment le rendait insensible à ses disgrâces.

Le Chu king parle souvent d’un maître qui préside au gouvernement des États, qui a un empire parfait sur les volontés des hommes pour les amener à ses fins de sagesse et de justice, qui punit et récompense les hommes par d’autres hommes, sans blesser leur liberté.

Cette persuasion était si commune, que des princes naturellement jaloux de leur propre gloire, ne s’attribuaient en rien le succès de leur sage gouvernement, mais le rapportaient à ce souverain maître, qui gouverne l’univers ; c’est ce que fait voir l’aveu simple de l’empereur Siuen vang. Il disait aux Grands de sa cour, que tous les sages ministres, qui ont été si utiles à l’État, depuis le commencement de la monarchie, étaient autant de précieux dons accordés par le Tien, en vue de la vertu des princes et des besoins des peuples.

Presque dès le commencement de la monarchie, il fut réglé que l’empereur, peu après son élévation, s’abaisserait jusqu’à labourer quelques sillons, et que les grains que produirait la terre cultivée par ses mains royales, seraient offerts dans le sacrifice qu’il ferait ensuite au Tien. On trouve dans le Chu king que ce même empereur, dont je viens de parler, ayant négligé cette cérémonie, attribue les calamités publiques à cette négligence ; et tous les Grands de sa cour lui tiennent le même langage. On parle très souvent dans les livres classiques de ces anciens empereurs Yao, Chun, Tching tang, etc. comme de modèles que l’on doit imiter ;