Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/170

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et d’un commerce assidu avec les lettrés : c’est le témoignage qu’ils ne purent s’empêcher de rendre aussi bien que le père Navarrete, dont j’ai déjà parlé.

« Les livres composés en chinois par les pères de la compagnie », disait ce Père dans l’ouvrage même où il se déchaîne le plus contre les jésuites, « me paraissent non seulement bien, mais très bien faits ; j’en loue le travail ; j’en admire l’érudition, et j’ai pour eux une reconnaissance très sincère, de ce que, sans aucune peine de notre part, nous autres franciscains et dominicains, nous y trouvons de quoi profiter, dans les occasions où nous en avons besoin. »

Il y a apparence que ces messieurs nouvellement venus à la Chine, en profitèrent autant que ces religieux, beaucoup plus anciens qu’eux dans l’empire : aussi n’éclatèrent-ils qu’en l’année 1693. Ce fut en ce temps-là, que M. Maigrot, simple vicaire apostolique dans la province de Fo kien, fit un mandement, dans lequel il décida que ces mots Tien, et Chang ti ne signifient que le ciel matériel ; et condamna les cérémonies et les usages, que le Siège apostolique avait permis et autorisés.

Mais comme M. Maigrot vit bien que son ordonnance souffrirait de la contradiction de la part de presque tous les missionnaires ; et que d’ailleurs il l’avait publiée dans un temps où sa juridiction était fort douteuse, le pape ayant créé deux nouveaux évêques titulaires de la Chine, nommés par le roi de Portugal, et les bulles d’érection y ayant été publiées, il députa M. Charmot à Rome, qui présenta dès l’année 1696 au pape, et ensuite au mois de mars de l’année 1697 à la congrégation du S. Office, un mémoire pour la défense du mandement, auquel il joignit une requête, pour demander un nouveau règlement sur les cérémonies. Néanmoins il n’y eût de congrégation établie pour l’examen de cette affaire, qu’en l’année 1699.

Comme on avait eu soin de cacher aux jésuites ce qui se tramait contre eux, ils n’en furent informés que vers la mi-octobre de cette même année, qu’on leur communiqua l’écrit de M. Charmot. Ils témoignèrent par un mémorial, l’horreur qu’ils avaient de ce qui était énoncé dans l’exposé ; et ils ajoutèrent qu’il n’y avait point à balancer sur la condamnation des cérémonies, si l’exposé était véritable : mais c’était l’état de la question. M. Charmot avait eu le temps de s’unir à tous les ennemis déclarés ou secrets des jésuites, pour attaquer plus vivement ces Pères, et leur porter de plus rudes coups.

Ce fut alors comme une ligue générale d’un parti puissant et animé, qui mit tout en œuvre pour jeter leur compagnie dans un décri universel. On sait l’orage qui s’éleva contre elle en France en l’année mil sept cent, tandis qu’on agissait fortement à Rome. On a su par les lettres des chefs de ce parti, que leurs conseils réglaient la conduite de M. Charmot ; qu’ils l’aidaient à dresser les écrits, soit italiens ou latins, qu’il présentait au Saint Office ; qu’ils prirent même l’alarme, sur ce que les supérieurs du séminaire de Paris ne le soutenaient pas, et songeaient à le rappeler ; qu’ils employèrent leur crédit, et celui de leurs amis,