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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/171

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auprès de madame la marquise de *** et de trois autres personnes de confiance et d’autorité, bien capables de mettre le cœur au ventre de ses supérieurs, car c’est ainsi qu’ils s’exprimaient, et de les porter à intervenir dans cette cause.

En effet en la même année 1700 parût la lettre écrite au pape, au nom du séminaire des Missions étrangères de Paris, qui contenait comme le précis de ce qu’un ministre protestant, et l’auteur du sixième tome de la Morale Pratique, ont dit de plus injurieux contre cette Compagnie. Ce fut là comme le signal de la guerre, qui lui fut déclarée. Toute l’Europe fut bientôt inondée d’un déluge d’écrits, qui faisaient voir qu’on en voulait bien moins aux cérémonies de la Chine, qu’à la personne de ces Pères : on les y traitait ouvertement de fauteurs de superstitions et d’idolâtrie, comme s’il eût été manifeste que ces cérémonies étaient mauvaises, ou qu’ils eussent été les seuls à croire qu’elles pouvaient être tolérées.

Il n’y eût pas jusqu’aux livres divins, qu’on employa à déchirer leur réputation ; et l’on vit un psaume paraphrasé en style dévot, où l’on mêlait pieusement aux saintes paroles du roi prophète, la satire la plus mordante, et les plus sanglantes invectives.

Ces Pères ne s’oublièrent point en cette occasion : ils firent face à tant d’adversaires, qui les attaquaient de toutes parts ; et ils réfutèrent leurs injures et leurs calomnies, par un grand nombre d’écrits modérés, où ils déclaraient, 1° Qu’ils ne s’intéressaient qu’aux cérémonies qui avaient été permises par Alexandre VII et que la plupart des missionnaires ont jugé devoir être tolérées, parce qu’ils n’y voyaient rien de superstitieux, et que prétendre les abolir, c’était fermer la porte de cet empire à tous les missionnaires. 2° Que leurs adversaires avaient démenti leurs écrits par leur propre conduite ; et qu’en particulier M. Maigrot avait agi autrement à la Chine, qu’il ne parlait en Europe ; que ce prélat et messieurs ses confrères avaient employé Tien et Chang ti, pour signifier le Dieu du ciel ; et que ces cérémonies qu’il traitait de superstitieuses, il les avait autorisées, en les pratiquant lui-même.

Enfin ils forcèrent M. Charmot, agent de M. Maigrot à Rome, à avouer en termes formels, que Confucius et les ancêtres ne sont point honorés comme des divinités par les lettrés de la Chine. « C’est, dit M. Charmot, imputer au révérendissime seigneur Maigrot, et à moi, des choses fausses et absurdes, pour nous insulter : jamais nous n’avons dit que Confucius et les ancêtres fussent honorés par les lettrés de la Chine comme des divinités[1].

Toutes ces disputes, qu’on semblait porter plutôt au tribunal du public, qu’à celui du Saint Siège, durèrent plusieurs années, et ne furent point apaisées ni par le décret de 1704 qui déclarait les cérémonies superstitieuses, telles qu’elles étaient exposées par messieurs des missions étrangères,

  1. Res faltas et absurdas mihi ac Reverendissimo Domino Maigrot affingunt, ut nobis insultent. Nusquam diximus Confucium a Sinis Litteratis ut Deum, Majores ut Numina coli.