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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/18

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et c’est une maxime répétée sans cesse, que le plus méchant des hommes, s’il veut se servir du secours que lui offre le Tien, peut atteindre à la vertu de ces héros.

On représente dans le Chu king ces sages empereurs en posture de suppliants devant le Chang ti, pour détourner les malheurs donc leurs descendants font menacés. Un empereur de leur race, déclare que ses illustres ancêtres, n’auraient pu avec tous leurs talents gouverner l’empire, comme ils ont fait, sans le secours des sages ministres, que le Tien leur avait donnés.

Ce qui est encore à remarquer, c’est qu’ils n’attribuent rien au Chang ti, qui ne soit de la décence, et qui ne convienne au souverain maître de l’univers. Ils lui attribuent la puissance, la providence, la science, la justice, la bonté, la clémence : ils l’appellent leur Père, leur seigneur : ils ne l’honorent que par un culte et des sacrifices dignes de la majesté suprême, et par la pratique des vertus ; ils assurent que tout culte extérieur ne peut plaire au Tien, s’il ne part du cœur, et s’il n’est animé des sentiments intérieurs.

Il est dit dans le Chu king, que le Chang ti est infiniment éclairé ; qu’il voit du haut du ciel tout ce qui se fait ici-bas ; qu’il s’est servi de nos parents pour nous transmettre par le mélange du sang, ce qu’il y a en nous d’animal et de matériel ; mais qu’il nous a donné lui-même une âme intelligente et capable de penser, qui nous distingue des bêtes ; qu’il aime tellement la vertu, que, pour lui offrir des sacrifices, il ne suffit pas que l’empereur, à qui appartient cette fonction, joigne le sacerdoce à la royauté ; qu’il faut de plus qu’il soit ou vertueux, ou pénitent ; et qu’avant le sacrifice, il ait expié ses fautes par le jeûne et les larmes ; que nous ne pouvons atteindre à la hauteur de ses pensées et de ses conseils ; qu’on ne doit pas croire néanmoins qu’il soit trop élevé, pour penser aux choses d’ici-bas ; qu’il examine par lui-même toutes nos actions ; et qu’il a établi au fond de nos consciences son tribunal, pour nous y juger.

Les empereurs ont toujours regardé comme leur principale obligation, celle d’observer les rits primitifs, dont les fonctions solennelles n’appartiennent qu’à eux seuls, comme étant les chefs de la nation. Ils sont empereurs pour gouverner, maîtres pour enseigner, pontifes pour sacrifier ; et cela, afin que la majesté impériale s’humiliant en présence de sa cour, dans les sacrifices qu’elle offre au nom de l’empire au maître de l’univers, la suprême souveraineté de ce premier Être brille davantage, et qu’on soit par là plus éloigné de lui rien égaler. C’est ce qu’on lit dans l’Y king, et dans le Chu king.

L’empereur, y est-il dit, est le seul à qui il soit permis de rendre publiquement cet hommage solennel au Chang ti : le Chang ti l’a adopté pour son fils ; il l’a établi sur la terre le principal héritier de sa grandeur ; il l’arme de son autorité ; il le charge de ses ordres ; il le comble de ses bienfaits. Pour sacrifier au premier Être de l’univers, il ne faut pas moins que la personne la plus élevée de l’empire. Il faut qu’il descende de son trône, qu’il s’humilie en la présence du Chang ti, qu’il attire ainsi les