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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/180

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Il n’y a point de mouvements que le Père Parrenin, et les autres missionnaires ne se soient donnés, soit auprès des amis qu’ils avaient au tribunal des rits, soit auprès des princes qui les protégeaient, et qui avaient plus de crédit sur l’esprit de l’empereur, pour détourner un coup si fatal à la religion : tout l’adoucissement qu’ils purent obtenir, c’est que le lieu de l’exil fût changé ; et qu’au lieu de les conduire à Macao, on leur permît de demeurer à Canton ; encore ne leur accorda-t-on cette grâce, qu’à condition qu’ils ne donneraient aucun sujet de plainte.

Les gazettes publiques annoncèrent bientôt la sentence que l’empereur venait de porter contre la loi chrétienne ; et quoiqu’elle n’ait été envoyée dans les provinces que le 17 de février, plusieurs mandarins se hâtèrent de l’exécuter.

Tous les missionnaires sans distinction furent chassés de leurs églises, et conduits à Peking, ou à Canton ; encore l’empereur déclara-t-il dans un livre qu’il avait composé pour l’instruction de ses sujets, qu’il n’en tolérait quelques-uns à la cour, qu’à cause de l’utilité que l’empire reçoit de leur habileté dans les arts et les sciences.

Plus de trois cents églises furent ou détruites, ou converties en usages profanes, ou devinrent des temples du démon, les idoles ayant été substituées à la place du vrai Dieu. Plus de trois cent mille chrétiens se virent destitués de pasteurs, et livrés à la rage des infidèles. Enfin les travaux et les sueurs de tant d’hommes apostoliques se trouvèrent presque anéantis, sans qu’on vît aucune lueur d’espérance, qui présentât le moindre adoucissement à tant de maux.

Tel est le triste état d’une mission, qui était auparavant si florissante. On a pris des mesures, pour ne laisser pas tout à fait sans secours spirituel, une chrétienté si nombreuse. Trois jésuites chinois, prêtres, à qui il est plus aisé de se cacher, parcourent les chrétientés des provinces, et s’emploient avec zèle au salut de leurs compatriotes. Les missionnaires de la Propagande ont aussi quelques prêtres chinois occupés aux mêmes fonctions. Mais qu’est-ce que ce petit nombre d’ouvriers évangéliques dans un si vaste empire ?

Pour suppléer à ce défaut, on envoie chaque année dans les provinces des catéchistes habiles et bien choisis, qui se répandent dans les diverses chrétientés, qui y raniment la foi des néophytes, qui leur fournissent des calendriers, des livres, et des images de piété ; qui examinent si les catéchistes particuliers remplissent leurs obligations, et qui se présentent même aux mandarins, et leur offrent des présents, pour gagner leur amitié et leur protection. C’est tout ce qu’on peut faire, pour maintenir la foi dans l’âme de tant de nouveaux fidèles, jusqu’à ce qu’il plaise au Seigneur de changer le cœur d’un prince qui paraît si aliéné des ministres du vrai Dieu.