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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/179

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Les principales étaient, que des Européens qui se tenaient cachés, élevaient des temples aux frais de leurs disciples ; que les hommes et les femmes s’y assemblaient pêle-mêle, qu’on destinait dès le bas âge de jeunes filles à garder la virginité ; que dans la secte qu’ils répandaient, (car c’est le nom qu’ils donnaient à la religion chrétienne) on ne rend point d’honneur aux défunts ; on ne pense plus ni à son père, ni à sa mère après leur mort ; on oublie jusqu’à l’origine de sa famille ; on est comme une eau sans source, et un arbre sans racine ; enfin, qu’on veut métamorphoser les Chinois en Européens.

Ces plaintes étant rapportées au tsong tou, il donna plusieurs ordres aux mandarins du lieu, et dressa contre les Européens et la religion, un mémorial qu’il envoya à l’empereur ; ensuite de quoi il publia divers édits dans les différentes villes, qui proscrivirent la loi chrétienne. Il en fit encore un de concert avec le viceroi, qui défendait à tous les peuples de la province de la suivre, et qui ordonnait de conduire sous bonne garde, les Européens à Macao, et de changer leurs églises en écoles publiques, ou en salles pour les lettrés, ou bien en salles des ancêtres.

Non contents d’avoir proscrit la religion chrétienne dans leur province, ils adressèrent une requête à l’empereur, dans laquelle, après avoir rendu compte de leur conduite, et représenté dans les termes les plus forts, le danger qu’il y avait de permettre cette loi étrangère que prêchaient les Européens, ils suppliaient Sa Majesté, par le zèle qu’elle avait pour le bien du peuple, et le repos de l’empire, de faire sortir tous les Européens des provinces, et d’ordonner, ou qu’ils soient conduits à la cour, ou qu’ils soient envoyés à Macao, et que leurs temples soient employés à d’autres usages.

L’empereur envoya aussitôt cette requête au tribunal des rits ; et sa décision fut, que les Européens qui sont à la cour, y sont utiles pour le calendrier, et y rendent d’autres services ; mais que ceux qui sont dans les provinces, ne sont de nulle utilité ; qu’au contraire ils élèvent des églises, et attirent à leur loi le peuple ignorant, les hommes et les femmes, etc. que, conformément à ce que le tsong tou de Fo kien propose, il faut laisser à la cour ceux qui y sont utiles, et faire conduire les autres à Macao. L’empereur reçut cette délibération du tribunal le 10 de janvier, et dès le lendemain il écrivit avec le pinceau rouge, la sentence suivante.

« Qu’il soit fait ainsi qu’il a été déterminé par le tribunal des rits : les Européens sont des étrangers ; il y a bien des années qu’ils demeurent dans les provinces de l’empire : maintenant il faut s’en tenir à ce que propose le tsong tou de Fo kien. Mais comme il est à craindre que le peuple ne leur fasse quelque insulte, j’ordonne aux tsong tou et aux vicerois des provinces, de leur accorder une demi-année, ou quelques mois ; et pour les conduire ou à la cour, ou à Macao, de leur donner un mandarin qui les accompagne dans les provinces, qui prenne soin d’eux, et qui les garantisse de toute insulte. Qu’on observe cet ordre avec respect. »