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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/187

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s’abîme et qu’ils ne viennent eux-mêmes à manquer du nécessaire : ces inquiétudes ne seront pas longtemps à éclater par des murmures, qui y mettront la dissension, et détruiront la paix.

Au lieu donc de les laisser vivre en commun, il serait à propos de donner une certaine somme à chaque famille, selon qu’elle est plus ou moins nombreuse, afin qu’elle ait de quoi s’entretenir à sa fantaisie. C’est une maxime ancienne ; un père qui a des enfants déjà grands, doit leur remettre en main une espèce de petit fonds, afin qu’ils sachent la peine qu’il y a à s’enrichir, et qu’ils apprennent par là à ménager leur bien, et à vivre d’économie, pour se soutenir honnêtement dans leur condition. Un père connaît par là si son fils sait conduire sa maison. De même le fils s’instruit par sa propre expérience, de la manière dont le monde se gouverne, et par quels ressorts les hommes se laissent mouvoir. Cette petite portion de bien, dont on lui laisse le maniement, est un commencement d’émancipation.

On dit communément que, quand une fille naît dans la famille, c’est pour en sortir, et passer bientôt dans une autre[1]. D’où il arrive qu’on néglige souvent l’éducation des filles : on ne fait pas attention qu’une fille qu’on a laissé manquer d’instruction, fait grand tort à la maison où elle entre, et qu’elle y est l’opprobre de ses parents.

Au reste les devoirs d’une jeune femme mariée sont, de rendre une obéissance respectueuse à son beau-père et à sa belle-mère ; de vivre dans une parfaite union avec ses belles-sœurs ; d’honorer son mari ; d’instruire ses enfants ; de compatir aux peines de ses esclaves ; de préparer la soie, et de la mettre en œuvre, d’être économe, frugale, laborieuse ; de supporter patiemment les traverses et les disgrâces ; de ne point écouter les rapports et les discours ; de ne se point mêler des affaires du dehors : voilà ce qu’on doit apprendre à une fille, avant que de la marier.

Mais qu’arrive-t-il de ce défaut d’instruction ? Tout leur soin consiste à se coiffer avec grâce, à bien appliquer le fard, à donner de l’agrément à leurs habits et à leurs souliers ; à placer avec art des aiguilles de tête et des pendants d’oreille ; à raffiner sur les mets délicats et les boissons délicieuses : elles ne songent qu’à relever leur beauté par un vain attirail de parures et d’ajustements : c’est tout ce qu’elles savent ; et elles ignorent jusqu’aux moindres obligations d’une mère de famille : il faudrait donc leur faire lire de bonne heure des livres d’histoire propres à les instruire : leur esprit le remplirait de meilleures maximes, et leur cœur se formerait sur de grands exemples.

On a sujet d’être tranquille, lorsque la mère nourrit elle-même ses enfants : mais si quelque raison l’obligeait à prendre une nourrice, elle doit la choisir d’un caractère sage, modeste, et qui n’ait point certains défauts

  1. La loi de la Chine ne permet pas à une fille d'épouser son parent paternel, et de la même tige masculine, fût-ce dans le degré le plus éloigné, et cette loi ne souffre point de dispense.