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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/189

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Un des principaux devoirs d’un fils est de perpétuer sa race, et de laisser après lui des descendants. Au défaut d’un enfant légitime, on s’en donne un adoptif, qui est chargé de servir les parents durant leur vie, de les ensevelir après leur mort, et de leur rendre les honneurs ordinaires.

Mais qu’arrive-t-il ? Lorsqu’après avoir adopté cet enfant, il vient à naître un fils véritable, le fils adoptif a bientôt perdu son mérite : il est dans la maison, ce qu’est sur le corps une tumeur, ou une excrescence de chair : on ne le regarde plus comme l’appui de la maison ; tout ce qu’il dit, ou ce qu’il fait, dégoûte : le moindre petit défaut, qu’on lui remarque, est désigné par des noms odieux : on oublie, et ce qui se passa quand il fut introduit dans la famille, et les médiateurs, et les amis qu’on employa dans ce choix ; si l’on compare ce qu’on a été, et ce qu’on est à son égard, on verra que le seul intérêt a produit ce changement : on ne peut souffrir que le bien passe en des mains étrangères.

Mais fait-on réflexion que ce véritable fils, qui est né si tard, sera encore bien jeune, lorsque le père déjà cassé de vieillesse, et qui n’est plus qu’une ombre fugitive, viendra tout à coup à lui manquer ? Alors surviendront mille procès entre le fils adoptif et le véritable fils : au milieu de ces différents, les richesses qu’on aura laissées à un orphelin, se consumeront bien vite ; et le dessein qu’on a eu de tout laisser à son propre fils, lui fera tout perdre. Ne valait-il pas mieux en user avec plus de bonté à son égard ? Il fût devenu l’appui et le soutien de votre propre fils dans son bas âge. Si vous craignez qu’après votre mort, ce fils adoptif ne consume tout le bien que vous laisserez, faites entr’eux un partage équitable ; séparez-les d’habitation : cette conduite est conforme à nos lois. Si vous négligez mes conseils, l’évènement en justifiera la sagesse.

Des cinq devoirs de la vie civile, le plus important, et celui qui tient le premier rang entre tous les autres, c’est l’obéissance et le respect qu’un fils doit à ses parents. La raison en est bien naturelle : sans mes parents je ne serais point ; je leur dois tout ce que je suis : sans parler de ce qu’une mère a à souffrir de peines et d’incommodités durant sa grossesse ; du danger continuel où sa vie est exposée durant ses couches ; de quoi est-elle continuellement occupée ? N’est-ce pas du soin de son enfant ? Elle n’a de joie que quand elle le voit rire : s’il pleure, elle accourt aussitôt, pour savoir ce qui le fait pleurer : s’il est malade, elle est plongée dans la tristesse : s’il paraît sentir du froid, elle s’empresse à le couvrir : s’il a faim, elle lui donne promptement à manger : s’il veut marcher, elle le conduit elle-même par la main : s’il se salit, elle le nettoie, sans que l’odeur la plus insupportable lui soit désagréable, ou lui cause le moindre dégoût : reçoit-elle quelques douceurs ? Elle en fait part à l’instant à ce cher fils, et elle se croit bien payée de son attention, si elle en peut tirer un léger souris : enfin rien n’égale les soins d’une mère : aussi dit-on qu’on ne peut pas imaginer de plus grands bienfaits, que ceux dont on est redevable aux parents. Un bon fils doit donc reconnaître