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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/190

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une partie de ces bienfaits, en leur rendant toute l’obéissance et les services, dont il est capable.

Quand il s’agit de bien élever les enfants, l’on ne saurait s’y prendre trop tôt, surtout lorsque leur esprit commence à s’ouvrir. Alors s’il se présente quelque chose qui ait vie, ou qui se meuve, ne fût-ce qu’un vil insecte, un arbrisseau, une plante de nulle utilité, avertissez-les de ne leur faire aucun tort : par là vous cultivez, et vous entretenez en eux ce sentiment de bonté et de douceur, qu’ils ont reçu de la nature.

S’il vient à la maison une personne de distinction ou d’un grand âge, un parent, un ami, instruisez vos enfants à leur marquer du respect à leur manière : c’est ainsi que vous les formez aux bienséances et à la civilité, dont ils ont déjà les principes au-dedans d’eux-mêmes : quelquefois une réponse un peu sèche, lorsqu’ils parlent ou rient mal à propos, sert à les maintenir dans la modestie et la droiture. Pour peu qu’on leur trouve l’esprit brouillon et querelleux, il faut les reprendre d’un air et avec des paroles sévères, mais sans les frapper par aucun mouvement de colère : une conduite si violente aigrirait encore davantage leur naturel, et les rendrait plus bouillants et plus précipités.

J’ai accoutumé de dire, si le père traite bien son fils, le fils se comportera bien à l’égard de son père ; mais si le père n’est pas tel qu’il doit être, le fils ne doit manquer en rien à ses devoirs : il doit être comme un autre Chun, dont les cris et les larmes demandaient sans cesse au Ciel des bénédictions pour un père, qui semblait ne lui avoir donné la vie que pour le tourmenter.





Des devoirs réciproques des frères.


Après nos parents, rien ne nous touche de plus près que nos propres frères. Lorsque des frères sont encore jeunes, c’est un plaisir de voir quelle tendresse ils ont les uns pour les autres : ils ne sauraient se quitter. Si l’aîné est déjà grand, et que son cadet soit encore enfant, il en prend toute sorte de soins, il le conduit par la main, il le porte entre ses bras, il le comble de caresses et d’amitié.

Mais ces frères sont-ils devenus hommes faits, ont-ils pris chacun un établissement, alors la complaisance qu’ils ont pour leurs femmes, dont ils écoutent trop aisément les discours, l’intérêt, la jalousie, produisent de la froideur, des soupçons, de la défiance, et divisent insensiblement leurs cœurs. Cependant qu’on soit menacé de quelque disgrâce, ou de quelque revers de fortune, c’est alors qu’on s’aperçoit que les autres parents, et les amis les plus dévoués, ne valent pas après tout un frère le plus indifférent.