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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/194

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trouver avec eux : placée sous un autre ciel, ses yeux ne sauraient plus rencontrer ceux de sa mère : jugez quelle est sa peine.

Si au bout de quelques années on lui permet de faire un tour chez ses parents : un mois est à peine écoulé, qu’on l’en retire, sans qu’elle sache en combien de temps on lui procurera une seconde fois cette consolation. Dans ce triste instant de séparation on lui arrache l’âme du corps : en chemin elle tourne à tout moment la tête vers l’endroit qu’elle quitte, et où elle laisse ses chers parents : toute sa tendresse se renouvelle, et lui cause un serrement de cœur, qui ne peut guère s’exprimer. C’est ainsi que par trop de précipitation un père a rendu sa fille malheureuse.

Si l’on ne se propose dans le mariage que d’acquérir des richesses, la grande doctrine du mari et de la femme ne saurait subsister ; de même si dans les obsèques des parents, on n’a pour but que d’attirer des bénédictions sur la famille, dès là les devoirs d’un fils à l’égard de son père sont anéantis. Quand est-ce qu’une femme méprise son mari ? C’est lorsqu’elle est fière de ce qu’elle a fait sa fortune. Qu’est-ce qui porte un fils à conserver si longtemps le corps de son père sans l’enterrer ? C’est souvent parce qu’il craint de l’ensevelir dans un lieu qui lui porte malheur. C’est ainsi que le propre intérêt détruit toute vertu.

On en voit néanmoins plusieurs qui sont assez attentifs sur le choix d’un gendre, mais qui ne le sont guère sur celui d’une belle-fille. Cependant l’un est encore plus difficile que l’autre : car on peut aisément démêler quel est le caractère d’un gendre ; celui d’une fille n’est pas si facile à connaître, et c’est cependant une chose importante.

Si celui qui veut épouser une jeune personne, ne s’attache qu’à ce qu’elle apportera ; ou si celui qui veut marier sa fille, ne pense qu’aux présents qu’on fera, ou en argent, ou en bijoux, c’est-à-dire, qu’il n’estime que les richesses, et qu’il n’a nul égard au mérite, voilà justement ce qui ruine les familles, et ce qui divise et désunit les parents les plus proches.

On devrait faire réflexion qu’une femme bien née est une source assurée de bonheur : on ne devrait envisager dans une épouse que la vertu, et la préférer à la naissance et aux grands biens. C’est une grande acquisition qu’une demoiselle sage, vigilante, appliquée, chaste, obéissante, qui ne se dément jamais, qui est toujours égale dans la bonne ou la mauvaise fortune. Quand on en a trouvé une de ce caractère, on peut dire qu’on a un trésor dans sa maison.

La jalousie est un grand malheur pour une famille, quand elle s’empare de l’esprit des femmes, surtout si elles n’ont point d’enfants. Une femme légitime voyant que son mari grisonne et s’afflige de n’avoir point d’héritier, ne peut souffrir qu’il approche d’une concubine ou d’une esclave : elle n’oublie rien pour l’en empêcher. Que si la concubine, ou l’esclave devient enceinte, elle est capable d’employer des breuvages et d’autres moyens pour la faire avorter, et tuer l’enfant dans son sein.

C’est pour prévenir ce malheur que le mari est souvent contraint de nourrir hors de la maison sa concubine. Si elle vient à accoucher d’un