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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/236

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La vertu qui se borne à jeûner, et à accompagner le jeûne de longues prières, c’est une vertu de bonze[1], qui n’est utile qu’aux animaux qu’on n’oserait tuer. Mais la vertu qui consiste à assister les pauvres, à protéger les affligés, c’est une vertu dont le public tire de grands avantages.

Quand on a été en place, si on n’a pas détourné de grands maux, et procuré de grands biens, en quoi diffère-t-on d’un mauvais magistrat ?





De l’idée qu’on doit avoir du monde.


Ce monde est comme une vaste mer : nous sommes semblables à un vaisseau qui vogue au milieu des flots agités : notre habileté à nous conduire, est comme la voile de ce vaisseau : la science nous sert de rames : la bonne ou mauvaise fortune, ce sont les vents favorables ou contraires : le jugement, c’est le gouvernail. Si malheureusement il vient à manquer, je désespère du vaisseau ; il fera infailliblement naufrage.

Un vase fêlé dure encore longtemps. Une petite santé dure plusieurs années. Ce qui manque sert à conserver ce qu’on possède. Un emploi où l’on n’est pas chargé de beaucoup d’affaires, se perd difficilement. Une pauvre maison et des champs peu fertiles passeront sans peine du père aux enfants, et aux petits-fils.

C’est du milieu des adversités que le mérite se produit et éclate. Trop de bonheur est souvent nuisible.

Ceux qui font plus sûrement fortune, ce sont des savants doux et paisibles. Ceux qui perdent les plus belles occasions de s’avancer, ce sont des gens entêtés de leurs idées, et qui n’écoutent personne.

Il n’y a personne qui ne cherche à se rendre heureux. Parviendra-t-on à ce prétendu bonheur par tous les mouvements qu’on se donne ? Celui qui sait se contenter, est bientôt content. J’attends, dit-on, pour vaquer à cette affaire, que j’aie un peu de temps à moi : et quand l’aurez-vous ce temps ? On a du temps pour tout, quand on sait le ménager.

Lorsqu’il fait un jour froid et un jour chaud, et que la saison n’est pas encore bien réglée, s’il survient un jour d’été, ne pliez pas vos habits d’hiver. Si vous êtes élevé tout à coup à une haute fortune, ne tournez pas le dos à vos anciens amis.

Un commerce où l’on s’enrichit bien vite, je ne songe point à le faire. Ces postes élevés où tant de gens aspirent, je ne souhaite point de m’y voir placé. D’affreux revers succèdent souvent aux fortunes subites.

  1. Un des principes des bonzes est de ne rien tuer qui ait vie.