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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/242

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d’ennemis, qu’il y a de gens qui sont instruits de ses épargnes sordides : pour peu qu’il donne prise par quelque endroit, on tombera sur lui, et on le perdra infailliblement ; ses enfants même, et ses petits-fils, peu affectionnés pour un père si dur, qui leur refuse leurs besoins, se trouveront par là engagés dans quelque mauvaise affaire, qui entraînera la ruine entière de la maison.

Celui qui pousse trop loin l’économie, peut bien faire une bonne maison : mais il ne sait pas faire le personnage d’honnête homme ; celui qui est trop libéral, peut bien faire le personnage d’honnête homme ; mais il ne sait pas faire une bonne maison : l’un et l’autre n’est pas ce qu’il doit être.

Un homme qui aime le faste et l’éclat, croit n’en faire jamais assez pour paraître magnifique. S’il s’agit de marier un fils ou une fille, et que les pères de famille soient de ce caractère, on les verra disputer l’un et l’autre à qui l’emportera par sa magnificence. Ils font des dépenses énormes en choses superflues et de pure ostentation. Ils emploient des sommes immenses en bijoux de toutes sortes, en cassettes remplies de perles, en coffres pleins de soieries, en chaises à porteurs chargées d’une infinité d’ornements, en festins splendides, et en mille autres choses de cette nature. Il ne faut qu’un mariage, pour ruiner les meilleures maisons. Est-ce qu’on n’a pas lu ce qu’a dit un de nos poètes ? Dans les mariages de ces sortes de familles, tout le monde s’écrie que ce sont des maisons toutes d’argent : mais attendez encore quelques années : homme et fortune, tout sera bouleversé : les bijoux et l’argent seront passés dans une autre maison.

Le Yuen siao, c’est-à-dire, le quinzième de la première lune, est le premier des quatre jours solennels de l’année, où il se fait de grandes réjouissances : mais il me paraît que l’usage autorise de grands abus. Dans ce renouvellement d’année, on veut que tout soit comme neuf : les portes des maisons brillent d’ornements qu’on y suspend : il y en a qui y mettent des branches de pêchers ouvragées et bénites par les bonzes de la secte du tao, s’imaginant que cette bénédiction porte bonheur pour le reste de l’année. Les dedans des maisons, et surtout les salles jettent le plus bel éclat par les pièces de soie et de toiles peintes dont on les garnit ; les cassolettes, les brasiers placés en différents endroits, et remplis de parfums et de bois odoriférants, répandent une fumée qui embaume l’air ; de grands vases pleins de fleurs de la saison, récréent la vue et l’odorat. Les pétards et les boîtes qu’on tire continuellement, font un agréable fracas : tout le monde est en mouvement ; on a peine à fendre la presse dans les rues : une infinité de gens à pied, à cheval, en chaise, en calèche, fourmille de toutes parts, chacun paraît avec ses plus beaux habits, surtout, veste, bonnet, bottes, souliers, tout est d’un goût exquis : les repas qui se donnent sont splendides ; cette nuit des lanternes on parcourt les rues pour voir celles qui emportent le prix : la multitude prodigieuse de lanternes suspendues de tous côtés, ou que différentes troupes de gens promènent avec pompe par la ville, font de la nuit le