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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/248

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de ses passions, ou d’un cœur élevé qui médite une vengeance sérieuse.

Ne vous associez point à un homme intéressé ou défiant. Il est également dangereux d’avoir à vivre avec un fourbe, ou avec un fanfaron : le fourbe qui a les apparences de l’honnête homme, vous trompera par ses artifices. Le fanfaron qui est attaché à ses idées, cherchera à vous maîtriser. C’est pourquoi il est important de bien étudier le caractère des personnes avec qui on a à vivre.

Pour bien connaître une personne, je m’informe de quelle manière il en use avec ses proches, avec ses parents, avec ses voisins, à quoi il s’applique, quelle est sa conduite. Alors je puis dire que je le connais. Si j’attends pour en juger, qu’il ait eu quelque rapport avec moi, je m’y prends trop tard.





Sur les ouvrages d’esprit.


C’est un dangereux métier que celui de faire des chansons, des comédies, des romans, des vers, et d’autres ouvrages d’esprit, où en termes couverts et énigmatiques l’on décrie la réputation des personnes les plus distinguées. Si ces sortes d’ouvrages anonymes vous sont communiqués, gardez-vous bien de faire paraître que vous les ayez vus. Si l’on s’aperçoit que vous les admirez, si vous en récitez des endroits avec complaisance, votre réputation deviendra suspecte ; et peut-être même vous soupçonnera-t-on d’en être l’auteur.

On ne doit se mêler de poésie délicate, que lorsqu’on s’est parfaitement établi dans la réputation d’homme savant. Des commençants, de jeunes lettrés, qui ont peu d’expérience, ne doivent pas entrer témérairement dans cette brillante carrière. Mon avis serait, qu’après une longue et sérieuse lecture des livres, on s’appliquât plutôt à la recherche des secrets de la nature, à la politique, et à l’art de bien gouverner les peuples. C’est là ce qui fait le vrai mérite, et qui élève aux premiers emplois.

Je ne saurais souffrir certaines expressions répandues dans quelques livres, et que ne doivent jamais employer des auteurs qui se piquent de science et de politesse. J’en citerai quelques exemples qui en feront voir le ridicule.

Si un de ces auteurs veut marquer qu’il est frappé de quelque bel endroit d’un livre : je veux, dit-il, graver cela sur mes os et dans mon cœur : s’il loue un service qu’on lui a rendu, il s’écrie : c’est un don qui égale tous les biens que je reçois du Ciel ; ou bien ayant recours aux fables : je serai, dit-il, l’oiseau qui rapporta l’anneau d’or à celui qui l’avait mis en liberté ; je rendrai un service pareil à celui des fourmis sauvées du naufrage sur un rameau jeté à propos. Après ma mort, diront quelques autres, si mon