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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/249

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âme passe dans le corps d’un chien ou d’un cheval, je veux être à votre service pour reconnaître un si grand bienfait. Je ne blâme pas qu’on se serve de termes, qui marquent de la reconnaissance et de la modestie. Mais est-ce modestie que de donner dans cette extravagance ? N’est-ce pas plutôt une lâche et indécente flatterie ?

Dans les recueils qu’on fait aujourd’hui des pièces de vers ou d’autres ouvrages d’esprit, on n’expose plus aux yeux des lecteurs les beaux sentiments que nos anciens sages nous ont transmis : on n’a en vue que de divertir et d’amuser agréablement par des traits ingénieux. Quelle est l’utilité de pareils ouvrages ?

Ceux qui composent des livres de morale, se proposent de réformer les mœurs, et de porter les hommes à la pratique de la vertu ; si nonobstant l’approbation générale de leurs ouvrages, ils ne voient pas un aussi prompt changement qu’ils l’espéraient, il ne faut pas qu’ils perdent courage : leurs sages instructions n’en ont pas moins été utiles à remuer les cœurs, et à y faire naître de bonnes résolutions, dont on verra le fruit en son temps. Cela seul suffit pour consoler un auteur, pour l’animer au travail, et pour l’assurer qu’il n’a point perdu ni son temps, ni ses peines.




Quelques règles particulières de conduite.


La consolation la plus prompte et la plus capable de nous soulager, lorsqu’il nous arrive quelque disgrâce, c’est de réfléchir sur la situation de tant d’autres, qui sont encore plus malheureux que nous.

Les gens qui ont de la droiture et de la bonne foi ne se défient de personne, et tout le monde se fie à eux. Les gens soupçonneux qui ne se fient à personne, tiennent aussi tous les autres dans la défiance, et c’est là ce qui produit la division, même entre les plus proches parents.

On parle mal de moi ; je puis réfuter la médisance ; mais ne ferai-je pas plus sagement de supporter le médisant ? On me calomnie ; je puis empêcher la calomnie de me nuire en la faisant connaître : mais ne vaut-il pas mieux changer le cœur du calomniateur ? Pour y réussir, il faut beaucoup d’adresse et d’habileté.

Si je viens à avoir un démêlé un peu vif avec quelqu’un, et que la bile s’échauffe de part et d’autre, puis-je dire que la raison est toute de mon côté ? Si je songe que j’ai un peu de tort, ma colère se calme, et si je veux bien en faire l’aveu, ce sera le moyen d’adoucir un esprit qui s’aigrit, et qui s’irrite.

Si je me mêle d’une affaire qui intéresse un ami, je dois penser à ce que je ferais, s’il s’agissait de mon intérêt propre. Si c’est une affaire qui me regarde personnellement, je dois songer au parti que je prendrais,