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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/253

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dépêcha un de ses gens pour faire des informations, et demander à Hiu, comment il avait osé se rendre coupable de cette infraction ? Je crois pouvoir prendre sur moi, répondit-il, une faute si utile au peuple. S’il m’en coûte la tête, à la bonne heure. Plus de dix mille king[1] de terres profitèrent de ces eaux. L’année dans ce quartier-là fut abondante, et on laissa Hiu en repos.


Attention d’un mandarin à pourvoir aux besoins du peuple.


Il plut beaucoup une autre année dans le territoire de Pei, petite ville du troisième ordre. Des eaux en abondance coulant des montagnes voisines, inondèrent les campagnes, et ayant ravagé la première récolte de riz, empêchèrent d’en planter d’autre plus tardif ; de sorte que le peuple ne voyait pas comment pouvoir seulement passer ce qui restait de l’année. Si l’on attend, dit Sun, qui était alors magistrat, que toutes ces eaux soient écoulées, à ensemencer les terres, la saison sera trop avancée, aucun grain ne pourra lever : que faire donc ? Un expédient lui vint sur-le-champ. Il fit venir les riches du pays, et les engagea à faire les avances de plusieurs mille charges de pois. Il distribua ces pois dans tout le district, les faisant semer dans l’eau même. Ces eaux s’écoulèrent peu à peu, et avant que la terre fut bien sèche, les pois avaient déjà poussé. Ce fut une ressource pour le peuple. Il passa l’année sans beaucoup souffrir.


Exemple d’un mandarin expéditif et désintéressé.


Tang ayant été fait magistrat de Sin tchang, il n’eut pas été trois mois en charge, que les procès devenant très rares, la moitié des officiers du tribunal devinrent assez inutiles. Sa porte n’était point gardée : y entrait librement qui voulait. Cependant personne n’osait abuser de cette liberté. Dans les procès qui lui venaient, il punissait celui qui avait tort, mais assez légèrement, se contentant de lui bien inculquer que s’il le retrouvait en faute, il en userait autrement. Enfin il expédiait si lestement les affaires, et était si désintéressé, que les gens de son tribunal n’osaient et ne pouvaient pas user de leurs friponneries ordinaires. Aussi la plupart se retirèrent, et prirent un métier pour pouvoir vivre.


Trop grande sévérité nuisible au gouvernement.


Quand le gouvernement n’est point excessivement sévère, le peuple alors craint la mort. D’où vient qu’il craint ainsi la mort ? C’est qu’il trouve du plaisir à vivre. Tandis que les choses sont dans cet état, la crainte peut retenir le peuple dans le devoir. Mais si le gouvernement devient excessivement sévère, le peuple cesse bientôt de craindre la mort, parce que la vie lui devient à charge. Ainsi un des grands ressorts du bon gouvernement devient la source des plus grands désordres.

  1. Nom de mesure.