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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/255

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de ce pays-là, s’y prit autrement. Dès qu’il fut entré en charge, il trouva moyen par voie de douceur, d’engager les chefs de ces peuplades à le venir voir. Il les traita bien, et les exhorta, mais sans menaces et sans aigreur. En moins d’un mois toutes ces familles rentrèrent doucement dans leur devoir. Depuis ce temps-là, Tsin disait souvent : Rien n’est plus facile que de gouverner. Car si, par douceur et par quelques bons traitements, on peut réduire des rebelles ; si, en s’y prenant comme il faut, on peut faire entendre raison à une multitude de montagnards grossiers et barbares ; que ne pourra-t-on point obtenir par ces mêmes voies, des peuples civilisés et mieux instruits ? Ils aiment naturellement le repos et l’ordre : ils craignent le trouble et le danger. Quel est celui d’entr’eux qui se résoudra à prendre les armes, s’il a de quoi se vêtir et de quoi vivre ? Mais les tributs qu’exigent les empereurs, deviennent quelquefois trop à charge : les officiers qui gouvernent, sont souvent trop intéressés. Les pauvres gens réduits au désespoir, s’assemblent et pillent çà et là. Quoique ce soit de là que naissent les grands troubles, cependant leur dessein n’est point d’abord de troubler l’empire. Ils cherchent à vivre, et c’est tout. Non seulement il serait trop dur en ces occasions de vouloir les exterminer ; mais même on aurait souvent de la peine à le faire : car alors il est fort naturel que les soldats n’aient pas le courage de frapper.


Devoir d’un homme en charge.


Un magistrat est désintéressé ; c’est son devoir : mais il en devient fier et orgueilleux ; il a tort. Son désintéressement ne peut justifier sa fierté. Chacun doit veiller sur soi : mais un magistrat le doit faire avec une attention particulière. S’il se borne à éviter les fautes grossières et éclatantes, et s’il ne s’étudie à éviter les plus légères et les plus secrètes, il est indigne du rang qu’il tient.

L’amour du travail et l’application sont nécessaires quand on se mêle du gouvernement, et cela pour tout le temps qu’on s’en mêle. Celui-là se trompe fort, qui croit que le travail et l’application de quelques années, lui donnent droit d’être moins laborieux et moins appliqué dans la suite. S’il veut se reposer, qu’il se retire.

Dans le royaume de Tchin la, il y a deux tours de pierre. Quand il se trouve en ce pays-là quelque procès embarrassant, on met un des plaideurs dans une de ces tours, et sa partie adverse dans l’autre. Celui qui a le droit de son côté, y est tranquille : au lieu que celui qui a tort, est d’abord saisi d’un grand mal de tête, et sent une chaleur insupportable par tout le corps. Nous n’avons ici rien de semblable. Il n’y a que la pénétration et l’intégrité des magistrats, qui puissent démêler le bon droit d’avec l’injustice. Si donc nos magistrats manquent de lumières, ou se laissent corrompre, à qui recourir ?