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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/272

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dehors, et l’enterre : puis consolant ces pauvres gens ; Suivez-moi, dit-il au mari, je puis vous donner cinq teou[1] de grain : vous en aurez pour quelques jours, et vous pourrez pendant ce temps-là trouver quelque ressource pour l’avenir. Ce pauvre homme suit donc le surveillant ; et le remerciant fort de sa charité, apporte les cinq teou de grain dans le sac même où ils étaient.

À son retour il ouvre le sac, et il y trouve outre le grain, cinquante onces de bel argent. Il en fut fort étonné : puis revenant de sa surprise ; c’est sans doute, dit-il en lui-même, de l’argent dû à l’empereur, que cet homme aura ramassé par commission, et oublié par mégarde dans ce sac. S’il était redevable de cette somme et de l’argent de l’empereur, ce serait pour lui une grosse affaire. Il a eu compassion de moi ; je n’ai garde de lui vouloir nuire. Sur quoi il retourne vite au surveillant, pour lui rendre cet argent : Moi, dit le surveillant, je n’ai point eu commission de recueillir l’argent de l’empereur ; je n’ai point mis cet argent dans le sac : d’où l’aurais-je pris, pauvre comme je suis ? Il faut que ce soit une faveur du Ciel. Le surveillant eût beau dire que cet argent n’était point à lui, l’autre l’ayant trouvé dans le sac avec le grain qui lui avait été donné, ne voulait point le retenir. Enfin la conclusion fut qu’ils partageraient par la moitié ; ce qui les accommoda l’un et l’autre.


Charité récompensée.


Un marchand de Hoei tcheou passant aux environs de Kieou kiang, fit rencontre d’une barque que les voleurs avaient pillée. Il y avait dans cette barque sept personnes d’une physionomie heureuse. Le marchand, quoique peu riche, les habilla, et leur ayant donné à chacun quelque argent, il poursuivit sa route, sans s’informer ni de leurs noms, ni d’où ils étaient. L’année suivante, six de ces sept infortunés furent faits Kiu gin ; et au bout de plusieurs années, l’un d’entre eux, savoir Fang ouan tché vint en qualité de visiteur dans le territoire de Kia hou. Le marchand qui avait mal réussi dans son commerce, s’était trouvé sans ressource loin de son pays, et s’était vendu pour esclave à un officier de Kia hou. Fang mangeant chez cet officier, reconnut parmi les gens qui servaient à table, le marchand qui lui avait autrefois fait la charité. Il l’appelle pour l’examiner de plus près ; et s’étant bien assuré que c’était lui : Vous souvenez-vous de la charité que vous exerçâtes il y a huit ans à l’égard de sept personnes ? Je ne m’en souviens point, répondit l’esclave. Quoi ? reprit Fang, ne vous souvenez-vous pas de sept personnes, qui venaient d’être dépouillées aux environs de Kieou kiang, et à qui vous donnâtes de l’argent et des habits ? Je m’en souviens bien, moi, ajouta-t-il, se levant de table, et pliant le genou pour le saluer, j’en étais un, et je reconnais mon bienfaiteur. Il obtint sa liberté, le retint quelque temps auprès de soi, lui donna quelques centaines d’onces d’argent, et lui en procura de ceux avec

  1. Le teou est la dixième partie d’un tan ; et le tan est de cent livres environ.