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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/285

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elle ne souffrait point du froid. Il avait les pieds gelés, et les mains pleines de crevasses. Sa cabane fut bientôt découverte : et quoiqu’il fut exposé aux injures de l’air, il ne semblait pas même y faire attention. Tous les paysans des environs, charmés de sa piété et de sa confiance, le révéraient, comme ils auraient fait un esprit. S’il y avait entr’eux quelque procès, ou quelques différends, ils l’en faisaient aussitôt le juge et l’arbitre : ils étaient si contents de ce qu’il réglait, que jamais après sa décision l’on ne portait l’affaire plus loin.

Enfin le gouverneur du lieu l’alla voir, et l’obligea de prendre un appartement dans le Hio[1] pour quelque temps. Il le fit par déférence ; mais il eût soin d’y faire mettre une table, un lit, et d’autres petits meubles comme pour sa mère. Il ne manquait point chaque jour dès le grand matin, de faire chauffer de l’eau, comme pour lui donner à laver, selon la coutume. Puis il apprêtait et servait un repas, comme il faisait, lorsqu’elle était vivante. En hiver, il avait soin de bassiner le lit qu’il avait dressé ; en été l’éventail à la main, il en chassait les cousins. Enfin son plus grand plaisir était de voir venir les temps marqués pour les cérémonies solennelles ; et dans les intervalles des temps destinés à ces cérémonies, il ne manqua jamais aucun jour d’offrir un repas à sa mère.


Autre exemple.


Ho lun avait reçu du Ciel un naturel tendre, et il fut en son temps un exemple de piété filiale. A la mort de son père, il porta les choses bien au-delà de ce qui est de pure obligation. Depuis, jusqu’à la dernière année de sa vie, au jour de la mort de son père, il le pleura aussi tendrement, que s’il n’avait fait que de le perdre. Un voleur s’étant glissé dans sa maison pendant la nuit, il le vit prendre diverses choses, et le laissa faire sans rien dire. Mais s’apercevant qu’il allait prendre une poêle : Faites-moi la grâce, lui dit-il, de me laisser cet ustensile, pour apprêter demain matin le repas de ma bonne mère. Le voleur tout honteux laissa la poêle et tout le reste, et dit en se retirant : Ce serait m’attirer quelque malheur que de voler un si bon fils. On assure même qu’à cette occasion il conçut une vraie estime pour la vertu, et qu’il quitta son premier métier.


L’importance des bonnes compagnies.


Tchu hoei ong dit : Il vaut beaucoup mieux procurer à vos enfants une belle éducation, que de leur amasser de grandes richesses. Ce qu’il y a de plus important en ce genre, c’est de bien observer les liaisons que font vos enfants. Si vous connaissez quelque personne qui ait en même temps de la probité et du savoir, tâchez de faire en sorte qu’ils la fréquentent. Le proverbe dit : Quand on veut donner à quelque chose une couleur éclatante et agréable, on ne la frotte pas à l’encre, mais au plus beau

  1. Hio. Cette lettre signifie étude, étudier, lieu destiné aux étudiants.