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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/288

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c’est chose assez inutile ; ceux qui le font, savent assez qu’ils ont tort, et ne peuvent s’empêcher d’en rougir. Ceux qui ont quelque vertu n’en sont pas capables. Mais il y a deux avis que je crois bons à donner même aux plus vertueux. Premièrement il est à craindre qu’en achetant ce qui est à leur usage, on n’abuse de leur nom, pour acheter au-dessous du juste prix, ou pour payer en argent de bas aloi. En second lieu, il est à craindre que la licence de leurs enfants ne leur attire des affaires fâcheuses, ou que les friponneries de leurs domestiques ne leur fournissent de quoi les couvrir de confusion ; c’est à eux d’y veiller de près.

Telle famille est maintenant à son aise, parce qu’elle a été du temps sans y être. Telle autre est maintenant dans l’indigence, pour avoir été ci-devant dans une opulence trop grande. Il est donc avantageux de manquer toujours de quelque chose ; et quand on a tout à souhait, un fâcheux revers n’est pas loin.


Sur le soin de ne pas négliger ce qu’on appelle petites choses.


Qu’un fils pense à chaque instant à ceux dont il a reçu la vie, c’est assez peu de chose en apparence. Cependant que de deux enfants, d’ailleurs également exacts à tous leurs devoirs, l’un pousse la tendresse jusqu’à ce point, qui ne croira que sa piété l’emporte de beaucoup sur l’autre ?

Tel est toujours prêt, ainsi que doit l’être un brave officier, de sacrifier, s’il le faut, sa vie, pour son prince ; c’est assurément un sujet fidèle : mais il sera bien moins estimable, si on le compare à tel autre, qui dans les moindres occasions, comme dans les plus importantes, préfère toujours sans hésiter, les intérêts de son prince aux siens.

Un magistrat peut être intègre, et recevoir quelques présents ; mais s’il se fait une loi de refuser même les moindres, son désintéressement est plus parfait, et son intégrité moins équivoque.

Qu’une fille ou une femme entende de loin rire un homme ; c’est peu de chose en apparence. S’il s’en trouve cependant, qui d’ailleurs exactes à ne se rien permettre de tant soit peu contraire à la pudeur et à la bienséance, poussent la délicatesse et la réserve jusqu’à éviter d’entendre même de loin rire aucun homme ; on ne peut pas nier que leur vertu n’en reçoive un nouvel éclat. Il en est à peu près de même de tout le reste : et il est vrai, comme on le dit ordinairement, que les plus grandes choses ont souvent des commencements fort petits.

Il n’est pas moins vrai que ce qui est petit en apparence, est cependant ce qui donne le dernier lustre aux choses les plus relevées. Comment oser après cela faire peu de cas de ce qu’on appelle petites choses ? On le doit d’autant moins, qu’on ne le fait guère impunément, et sans de fâcheuses suites. Une étincelle peut causer un incendie, et il ne faut qu’une fourmilière, pour faire tomber en ruine un rempart.