Aller au contenu

Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Instructions d'un père de famille à sa postérité.


Tchan sun kiu fut en son temps le modèle des pères de famille. Aussi dans tout son quartier recueillait-on avec avidité les instructions qu’il faisait à ses enfants, selon les occasions qui se présentaient. Chacun se faisait un devoir de les retenir, et un plaisir de les répéter. En voici un petit échantillon. Je recommande à mes descendants, disait-il, que quelque nombre qu’ils aient d’enfants, ils ne négligent pas l’instruction d’un seul. S’il leur naît grand nombre de filles, qu’ils les nourrissent et les élèvent toutes avec soin. Lorsqu’ils choisiront des femmes à leurs fils, ou qu’ils promettront leurs filles, qu’ils cherchent à s’allier à des gens de bien, et non pas à s’appuyer de gens nobles et riches. Quand ils marieront une fille, qu’ils la fournissent d’habits propres, et d’une cassette garnie des petits meubles convenables ; mais point de luxe et de superflu. Quand ils auront chez eux quelque malade, au lieu d’appeler les bonzes, pour réciter leurs prières, qu’ils appellent un bon médecin, et qu’ils fournissent l’argent nécessaire pour les remèdes. Si quelqu’un meurt, il faut faire à temps la cérémonie tsi, selon que le prescrivent les rits ; mais il ne faut se servir ni de ho chang[1], ni de tao sseë[2]. Car comme il est raisonnable de ne pas omettre les anciens rits, aussi ne doit-on pas adopter ces nouveautés.

Fang king pe étant en charge à Tsin ho, une femme du menu peuple accusa son fils de lui manquer de respect. Fang, avant que de juger l’affaire, fit part à sa mère de l’accusation qu’il avait admise, et témoigna être disposé à punir sévèrement le coupable. Il ne faut pas, mon fils, dit la mère ; ce petit peuple est peu instruit, c’est manque d’instruction qu’il commet ces sortes de fautes. Instruisez d’abord ce jeune homme, et s’il retombe, usez de sévérité ; après quoi, elle ordonna qu’on fît venir manger avec elle cette femme qui avait accusé son fils, et que le jeune homme accusé demeurât debout au bas de la salle. Cela se fit ainsi pendant plusieurs jours ; et Fang tout ce temps-là servit lui-même sa mère à table avec le plus grand respect[3]. Ce jeune homme, honteux de sa conduite passée, témoigna qu’il comprenait le sens de cette instruction muette, et qu’il se repentait de sa faute : Non, dit la mère du magistrat, il n’a encore que de la honte, le repentir ne lui a pas encore pénétré le cœur. Cela se continua donc pendant dix jours, au bout desquels ce jeune homme frappant la terre du front en action de grâces, et sa mère fondant en larmes, demandèrent à se retirer. Fang y consentit, et ce jeune homme dans la suite fut un exemple d’obéissance et de respect pour sa mère.

  1. Bonzes de la secte Foë.
  2. Bonzes de la secte Tao.
  3. Il y en a qui étant grands-mandarins, servent eux-mêmes tous les jours leur père ou leur mère à table.