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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/325

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en exemptera, cela est certain : mais en attendant, ouvrez les greniers publics, et sauvez la vie à ces pauvres infortunés. Ché proposa de distribuer trois teou de grains par tête. Donnez-en six, dit le prince, et ne craignez point de vider les greniers publics. Je me charge de tout moi-même auprès de l’empereur mon père. Je l’instruirai de l’état des choses.


Contre les méchantes langues.


Il y a certaines gens qui se sentant quelque esprit, ont la démangeaison de parler sur tout : encore si ce n’était que d’une manière indifférente. Mais le plus souvent leurs discours aboutissent à blâmer les autres, pour se faire valoir eux-mêmes. Leur bouche est une espèce de monument à deux faces, dont l’une vous présente leur propre éloge, et l’autre les défauts d’autrui. Leur langue est comme une dague hors du fourreau, en mouvement et prête à blesser. Aussi chacun craint-il ces sortes de gens. Il faut avouer cependant que pour l’ordinaire ils se nuisent plus qu’aux autres. Car parlant sans réserve aux premiers venus, ils sont très souvent trahis. Ceux même qu’ils avaient obligé d’ailleurs, deviennent par là leurs ennemis. Enfin ils s’attirent mille affaires ; et ils ont bientôt perdu tout ce qu’ils peuvent avoir à perdre.


Réflexion sur la colère.


Au côté droit de la chaise de Tsin hien, on lisait cette inscription : dans la colère ou l’émotion, ne répondez à aucune lettre. Quand vous avez fait partir mal à propos des paroles, auxquelles le pinceau a donné figure dans vos lettres, le remède n’est pas aisé. Un coup de langue, disait le philosophe Sun tse, est souvent plus dangereux qu’un coup de lance : que sera-ce d’un coup de plume ?


Sur les mauvaises langues.


Il est un caractère de gens qui ne peuvent souffrir qu’on loue personne, et dont la malignité s’irrite contre les plus gens de bien, dès qu’ils entendent qu’on les loue. Parle-t-on avantageusement de quelqu’un dans une conversation ? Dormissent-ils auparavant, aussitôt ils se réveillent. Ils commencent par rendre suspect tout le bien qu’on vient de dire. S’ils sentent qu’ils y aient tant soit peu réussi, ils poussent leur pointe, et usent de mille artifices, pour faire concevoir de ces personnes une idée toute contraire : et quand ils peuvent venir à bout de surprendre la crédulité de ceux qui écoutent, et de faire rougir les autres d’avoir pensé et parlé de cette personne d’une manière avantageuse, c’est alors qu’ils sont très contents d’eux mêmes, et qu’ils s’applaudissent intérieurement de leur esprit. Il en faut pour cela, j’en conviens ; mais c’est bien mal l’employer.