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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/334

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Sur la bienséance.


Kai kiu yuen étant en charge, voulut acheter quelques étoffes. Il les fit venir à son tribunal ; et les ayant fait étaler dans sa salle, au lieu de se retirer, et de marquer seulement celles qu’il voulait, il se mit à les mesurer, et à traiter du prix lui-même. Ceux de ses domestiques qui le virent, en donnèrent avis aux autres : Nous nous imaginions, leur dirent-ils, que nous étions au service d’un grand magistrat : ce n’est qu'un marchand d’étoffes que nous servons. Sur cela chacun plie bagage, et demande son congé, sans qu’on pût retenir un seul de ceux qui n’étaient pas esclaves.


Sur le soin d’éviter les moindres fautes.


Ouang kong ting, ministre d’État, se trouvant un jour en compagnie avec Tchang kong y, fameux Han lin[1], qu’il connaissait déjà de réputation, voulut l’entretenir en particulier, pour profiter de ses lumières. Lui ayant donc demandé quelque instruction, selon que le prescrit la civilité chinoise. Hier, dit Tchang, prenant la parole, après une ondée je sortis en ville pour quelque affaire. Je remarquai qu’un de mes porteurs qui avait des souliers neufs, craignait fort de les gâter, et que regardant avec une attention extrême où il mettait le pied, il mesurait tous ses pas. Il en usa de la sorte assez longtemps. Mais enfin en certain endroit, où il y avait plus de boue qu’ailleurs, il arriva malgré ses soins, qu’il n’en pût garantir ses souliers : et quand il les vit une fois gâtés, il ne les ménagea plus ; il marcha indifféremment partout, comme ceux qui n’avaient que de vieux souliers. Il en est de même à peu près dans la morale, ajouta aussitôt Tchang ; quelle précaution ne faut-il pas apporter pour éviter les moindres fautes ? Ouang le remercia de cette instruction, qu’il n’oublia de sa vie.


Réflexions.


Une aiguille, dans la doublure de l’habit le plus moelleux, peut, lorsqu’on y pense le moins, causer une douleur vive, et faire même une plaie dangereuse. C’est ainsi qu’une douceur apparente cache quelquefois beaucoup de malice et de dureté.

Le miel le plus agréable ne se peut manger sans précaution sur la fine pointe d’un couteau. C’est ainsi que des amitiés les plus douces, et des amours les plus tendres, on voit quelquefois sortir les inimitiés les plus mortelles. Quiconque est sage, y doit prendre garde.

Que pensez-vous des adversités, me demanda un jour quelqu’un ? Chacun s’en plaint. Pour moi, répondis-je, je regarde les adversités comme

  1. Docteur du Collège impérial.