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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/347

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avant que la barrière en fût fermée : et lorsque cet homme et sa femme furent retirés dans leur appartement intérieur, les soldats regardant par une fente, virent que l’un et l’autre se traitaient avec autant de bienséance et de respect, que s’ils avaient reçu quelque hôte de conséquence. Ils furent si surpris et si charmés de cette conduite, que se retirant un peu pour délibérer : Croyez-moi, dit l’un d’eux, ne touchons point à ces deux personnes ; ce sont des gens pleins de vertu : si nous venions à les tuer, nous ne pourrions manquer tôt ou tard d’en porter la peine. Vous avez raison, dit l’autre, mais Ko veut les pierreries. Avertissons-les d’ici, reprit l’autre, qu’ils lui fassent présent au plus tôt de leurs pierreries. Ils concevront de quoi il s’agit ; ils le feront ; il sera content. Ils contrefont donc leur voix, et donnent cet avis en peu de mots : puis sautant les murailles, ils se retirèrent.


Piété filiale.


Un nommé Fang kuang étant en prison, pour avoir tué, à ce qu’on assurait, le meurtrier de son père, sa mère qui était fort vieille, vint à mourir. Fang kuang parut si touché de cette mort, et surtout sentit si vivement l’impossibilité où il était de lui rendre les derniers devoirs, que Tchong, alors magistrat, le laissa sortir sur sa parole, pour aller enterrer sa mère. Tous les gens du tribunal lui représentèrent que c’était une chose inouïe, et qu’il était dangereux d’en user de la sorte. Tchong les laissa dire, et se chargea volontiers de ce qui en arriverait. Fang kuang n’eut pas plus tôt inhumé sa mère, qu’il vint se remettre en prison. Son affaire ayant été examinée, on ne trouva pas suffisamment de quoi le condamner à mort.


Superstition ridicule.


Un tel a perdu son père : à quoi il devrait penser, c’est à l’inhumer au temps réglé par les rits : c’est cependant le moindre de ses soins. A quoi il pense le plus, c’est à trouver pour la sépulture un terrain, une année, un mois, un jour, qu’on lui dise porter bonheur. Il fonde sur cela l’espérance de conserver sa santé, de devenir riche, et d’avoir une nombreuse postérité. Quel abus ! On en use encore à peu près ainsi dans diverses circonstances. Par exemple, s’il s’agit de bâtir, d’acquérir, ou d’habiter une maison ; les uns consultent vainement les astres, ou bien les koua de Fo hi ; d’autres, la tortue, ou l’herbe Chi ; d’autres, une vaine combinaison de vingt-deux caractères, qui servent à distinguer les années d’un cycle sexagénaire. Ignorent-ils, les aveugles qu’ils sont, que l’avenir est incertain, et qu’il n’y a point de règle sûre, pour juger s’il sera heureux ou non.

Dans le choix que fait un fils d’un terrain pour la sépulture de son père, voici ce qu’il peut et doit observer. Que ce terrain ne soit pas en danger de devenir chemin dans la suite, qu’il n’y ait point d’apparence qu’on y