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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/354

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Au reste leur éloquence ne consiste point dans un certain arrangement de périodes ; mais dans des expressions vives, dans de nobles métaphores, dans des comparaisons hardies, et principalement dans des maximes et des sentences tirées des anciens sages, et qui exprimées d’un style vif, concis, et mystérieux, renferment beaucoup de sens et différentes pensées en très peu de paroles.





De leur musique.


A les entendre, ce sont eux qui ont inventé la musique, et ils se vantent de l’avoir portée autrefois à la dernière perfection. S’ils disent vrai, il faut qu’elle ait bien dégénéré ; car elle est maintenant si imparfaite, qu’à peine en mérite-t-elle le nom, ainsi qu’on en peut juger par quelques-uns de leurs airs que j’ai fait noter pour en donner quelque idée.

Il est vrai que dans les premiers temps elle était dans une grande estime, et leur sage par excellence, Confucius, s’efforçait d’en introduire les préceptes dans toutes les provinces, dont on lui confiait le gouvernement. Les Chinois mêmes d’aujourd’hui regrettent fort ces anciens livres qui traitaient de la musique, et qu’ils ont malheureusement perdus.

Du reste la musique n’est guère maintenant en usage que dans les comédies, dans certaines fêtes, aux noces, et dans d’autres pareilles occasions. Les bonzes l’emploient aux obsèques : mais en chantant ils ne haussent et ne baissent jamais leur voix d’un demi-ton, mais seulement d’une tierce, d’une quinte, ou d’une octave ; et cette harmonie charme les oreilles chinoises. Aussi la beauté de leurs concerts ne dépend-elle point de la variété des tons, ni de la différence des parties. Ils chantent tous le même air, comme il se pratique dans toute l’Asie.

La musique européenne ne leur déplaît pas, pourvu qu’ils n’entendent chanter qu’une seule voix, accompagnée de quelques instruments. Mais ce qu’il y a de merveilleux dans cette musique, je veux dire, ce contraste de voix différentes, de sons graves, et de sons aigus, de dièses, de fugues, de syncopes, n’est nullement de leur goût, et il leur semble une confusion désagréable.

Ils n’ont point, comme nous, des notes de musique, ni aucun signe qui marque la diversité des tons, les élévations ou les abaissements de la voix, et toutes ces variations qui font l’harmonie. Ils ont néanmoins quelques caractères qui font connaître les divers tons.

Les airs qu’ils chantent ou qu’ils jouent sur leurs instruments, ils ne les savent guère que par routine, et à force de les entendre chanter. Néanmoins de temps en temps ils en font de nouveaux, et feu l’empereur Cang hi en composait lui-même. Ces airs bien joués sur leurs instruments, ou chantés par une belle voix, ont de quoi plaire, même aux oreilles européennes.