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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/393

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de la ville, se flattant que dans ces courtes et fréquentes excursions, il trouverait enfin le trésor qu’il avait perdu.

Comme il n’était occupé que de son fils, il sentait peu le plaisir des avantages qu’il retirait de son commerce. Il le continua néanmoins durant cinq ans, sans s’éloigner trop de sa maison, où il revenait chaque année passer l’automne ; enfin ne trouvant point son fils après tant d’années, et le croyant perdu sans ressource, voyant d’ailleurs que sa femme Ouang ne lui donnait point d’autre enfant, il pensa à se distraire d’une idée si chagrinante : et comme il avait amassé un petit fonds, il prit le dessein d’aller négocier dans une autre province.

Il s’associa en chemin un riche marchand, lequel ayant reconnu ses talents et son habileté dans le négoce, lui fit un parti très avantageux. Le désir de s’enrichir le délivra de ses inquiétudes.

A peine furent-ils arrivés l’un et l’autre dans la province de Chan si, que tout réussit à leur gré. Le débit de leurs marchandises fut prompt, et le gain considérable. Le paiement qui fut reculé à cause de deux années de sécheresse et de famine, dont le pays était affligé, et une assez longue maladie, dont Liu fut attaqué, l’arrêtèrent trois ans dans la province : ayant recouvré la santé et son argent, il part pour s’en retourner dans son pays.

S’étant arrêté durant le voyage près d’un endroit, appelle Tchin lieou, pour s’y délasser de ses fatigues, il aperçoit une ceinture de toile bleue, en forme de petit sac long et étroit, tel qu’on en porte autour du corps sous les habits, et où l’on renferme de l’argent : en le soulevant il sentit un poids considérable : il se retire aussitôt à l’écart, ouvre le sac, et y trouve environ deux cents taëls.

A la vue de ce trésor il fit les réflexions suivantes : C’est ma bonne fortune qui me met cette somme entre les mains : je pourrais la retenir, et l’employer à mes usages, sans craindre aucun fâcheux retour. Cependant celui qui l’a perdue, au moment qu’il s’en apercevra, sera dans de terribles transes, et reviendra au plus vite la chercher. Ne dit-on pas que nos anciens, quand ils trouvaient ainsi de l’argent, n’osaient presque y toucher, et ne le ramassaient que pour le rendre à son premier maître. Cette action de justice me paraît belle, et je veux l’imiter, d’autant plus que j’ai de l’âge, et que je n’ai point d’héritier. Que ferais-je d’un argent qui me serait venu par ces voies indirectes ?

A l’instant retournant sur ses pas, il va se placer près de l’endroit où il avait trouvé la somme, et là il attend tout le jour qu’on vienne la chercher. Comme personne ne parût, il continua le lendemain sa route.

Après cinq jours de marche, étant arrivé sur le soir à Nan fou tcheou, il se loge dans une auberge, où se trouvaient plusieurs autres marchands. Dans la conversation le discours étant tombé sur les aventures du commerce, un de la compagnie dit : Il n’y a que cinq jours que partant de Tchin lieou, je perdis deux cents taëls que j’avais dans ma ceinture intérieure : j’avais ôté cette ceinture, et je l’avais mise auprès de moi, tandis que