Aller au contenu

Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entrer. C’était son frère aîné Liu yu, son frère cadet Liu tchin, son neveu Hi eul, et deux domestiques qui portaient le bagage. Liu pao consterné à cette vue, et n’ayant pas le front de soutenir leur présence, s’évade au plus vite par la porte de derrière, et disparaît comme un éclair.

La dame Ouang, transportée de joie, vint recevoir son cher mari. Mais quel surcroît d’allégresse, quand elle aperçut son fils, qu’à peine reconnaissait-elle, tant il était devenu grand et bien fait ! Hé ! par quelle bonne fortune, dit-elle, avez-vous ramené ce cher fils que je croyais perdu ?

Liu yu lui fit le détail de toutes ses aventures ; et la dame Ouang à son tour lui raconta fort au long, toutes les indignités que lui avait fait souffrir Liu pao, et les extrémités auxquelles il l’avait réduite.

Alors Liu yu, après avoir donné à sa femme les justes éloges que méritait sa fidélité : Si par une passion aveugle pour les richesses, s’écria-t-il, j’avais retenu les deux cents taëls que je trouvai par hasard, comment aurais-je pu retrouver notre cher enfant ? Si l’avarice m’avait empêché d’employer ces vingt taëls à sauver ceux qui faisaient naufrage, mon cher frère périssait dans les eaux, et je ne l’aurais jamais vu. Si par une aventure inespérée, je n’avais pas rencontré cet aimable frère, aurais-je pu découvrir à temps le trouble et le désordre qui régnaient dans ma maison ? Sans cela, ma chère femme, nous ne nous serions jamais vus réunis : notre famille se serait démembrée, et aurait été plongée dans l’affliction. Tout ceci est l’effet d’une providence particulière du Ciel, qui a conduit ces divers évènements. Quant à mon autre frère, ce frère dénaturé, qui sans le savoir, a vendu sa propre femme, il s’est justement attiré le malheur qui l’accable. L’auguste Tien traite les gens selon qu’ils le méritent ; qu’ils ne croient pas échapper à sa justice.

Apprenons de là combien il est avantageux de pratiquer la vertu ; c’est ce qui rend une maison de jour en jour plus florissante.

Dans la suite du temps Hi eul alla chercher son épouse, la fille de Tchin. Le mariage se conclut, et fut très heureux. Ils eurent plusieurs enfants, et virent une foule de petits-fils, dont plusieurs s’avancèrent par la voie des lettres, et parvinrent aux premières charges. Ainsi cette famille fut illustrée.


Quatre vers font la conclusion de l’histoire.
En voici le sens :


<poem> L’action vertueuse, par laquelle on rend l’argent qu’on avait trouvé, Fait retrouver un fils qu’on croyait ne jamais voir. Le détestable dessein de vendre une belle sœur, est cause qu’on perd sa propre femme. La conduite du Ciel est tout à fait admirable ; il distingue parfaitement les bons des méchants : on ne lui en impose pas.