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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/411

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et moins il y trouvait d’espérance. Enfin une fois qu’il s’était fort tourmenté l’esprit : comment se peut-il faire, dit-il en lui-même, que je n’aie pas plus tôt pensé au vieux Seou, cet écrivain si versé dans les ruses les plus subtiles : j’ai été autrefois en liaison avec lui ; c’est un habile homme, et d’un esprit fertile en ces sortes d’inventions : il a des expédients pour tout, et rien ne l’arrête.

Lorsqu’il s’entretenait de ces pensées, il aperçoit Ouang siao eul son fils, qui venait le voir : aussitôt il lui fait part de son projet, et lui donne ses ordres. Surtout, lui ajouta-t-il, si Seou vous donne quelque espérance, n’épargnez point l’argent, et songez qu’il s’agit de la vie de votre père. Siao eul promit de tout risquer dans une affaire si importante.

A l’instant il court chez Seou, et l’ayant heureusement rencontré, il lui expose l’affaire de son père, et le conjure de chercher quelque moyen de le sauver. Sauver votre père, répondit ce vieux routier, c’est une chose bien difficile, il a contre lui sa propre déposition. Le mandarin nouvellement arrivé dans la province, est jaloux de sa gloire : il a reçu lui-même la déposition, et a prononcé la sentence. Vous auriez beau en appeler à un tribunal supérieur, elle est entre les mains du premier juge. Croyez-vous qu’il veuille jamais avouer que ses procédures ont été défectueuses. Écoutez : sans tant de discussions, donnez-moi un, deux, trois, quatre cents taëls, et laissez-moi faire ; je vais aller à la cour (à Nan king), et j’y trouverai quelque occasion d’y faire un coup de mon métier ; je l’ai déjà dans la tête, et le cœur me dit que je réussirai.

Comment prétendez-vous donc vous y prendre, dit Siao eul ? Point tant de curiosité, répliqua Seou ; livrez-moi seulement la somme que je demande, et vous verrez de quoi je suis capable. Siao eul retourne promptement à la maison, pèse l’argent, l’apporte, et presse Seou de hâter son voyage.

Consolez-vous, s’écria Seou ; à la faveur de ces pièces blanches, il n’y a point d’affaire, quelque mauvaise qu’elle soit, que je ne puisse ajuster : soyez tranquille, et reposez-vous sur moi. Siao eul prit congé de lui, et le remercia de son zèle. Dès le lendemain Seou partit pour Nan king, et y arriva en peu de jours. Il alla aussitôt au tribunal suprême, où toutes les causes criminelles de l’empire sont portées. Là il s’informe adroitement de l’état présent de ce tribunal, du nom, du crédit, et du génie des officiers subalternes.

Il apprit qu’un nommé Siu kung, de la province de Tche kiang, y était lan-tchung[1], que c’était un homme habile à manier les affaires, et d’un accès facile. Il l’aborda avec une lettre de recommandation, qu’il accompagna d’un fort joli présent.

Siu kung le reçut avec politesse, et ayant remarqué que Seou était un beau parleur, il l’invita à venir souvent le voir. Seou n’eut garde d’y manquer, et il n’oublia rien pour s’insinuer peu à peu dans son amitié, et

  1. C’est une espèce d’avocat.