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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/410

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c’était ; et ayant appris qu’il s’agissait d’un meurtre fait par des voleurs ou par des assassins, il admet l’accusation, et promet de rendre justice. Les gens du quartier s’avancèrent au même temps, et présentèrent leur requête, pour l’avertir du désordre arrivé dans leur voisinage.

A l’instant le mandarin dépêche des officiers de justice, pour faire la visite du corps mort, et en dresser un procès verbal. Puis il ordonne aux archers d’arrêter au plus tôt celui qu’on assurait être l'assassin. Ouang kia demeurait tranquille dans sa maison, et paraissait ne point craindre, dans la fausse confiance où il était, que s’étant barbouillé le visage, il était impossible qu’on l’eût reconnu. Il s’applaudissait de son industrie, lorsque tout à coup il se vit environné d’une troupe d’archers, qui venaient d’entrer brusquement dans sa maison. Qu’on s’imagine voir un homme qui se bouche les oreilles, pour n’être pas effrayé des éclats du tonnerre, et que la foudre frappe au même instant. Tel était Ouang kia.

Aussitôt on se saisit de lui ; on le charge de fers ; et on le conduit à l’audience. C’est donc toi, malheureux, dit le mandarin, qui es l’assassin de Li y ? Moi, seigneur ? répondit le scélérat ; si pendant la nuit Li y a été tué par des voleurs, suis-je responsable de sa mort ? Pour lors le mandarin se tournant vers la dame Tsiang : Eh bien, lui dit-il, comment prouvez-vous qu’il est l’auteur de ce meurtre ?

Seigneur, répondit-elle, lorsque le coup se fit, j’étais cachée auprès du lit, et de là j’ai vu le malheureux donner le coup de la mort à mon mari : je le reconnus bien. Mais, répliqua le mandarin, c’était la nuit que le coup s’est fait : comment dans l’obscurité avez-vous pu le reconnaître ?

Ah ! seigneur, dit-elle, non seulement je remarquai sa taille et son air ; mais j’ai encore un indice bien certain : De simples voleurs se seraient-ils retirés avec tant de précipitation, sans rien enlever de la maison ? Une action si noire et si barbare, est l’effet d’une ancienne inimitié, qui n’a été que trop publique, et mon mari n’avait point d’autre ennemi que Ouang kia.

Pour lors le mandarin fit approcher les voisins, et leur demanda, s’il y avait effectivement une inimitié ancienne entre Ouang kia et Li y. Oui, seigneur, répondirent-ils, elle était connue de tout le quartier. Il n’est pas moins vrai que le meurtre a été fait, sans qu’on ait rien emporté de la maison.

Pour lors le mandarin haussant la voix, et prenant le ton de maître : Qu’on donne à l’heure même une rude question à Ouang kia. Ce malheureux qui était riche, et qui avait toujours vécu à son aise, frémit de tout lui-même au seul mot de question, et déclara qu’il allait tout avouer. Il est vrai, dit-il, que j’avais pour Li y une haine mortelle ; c’est ce qui m’a porté à me déguiser en voleur, pour n’être pas connu, et à l’assassiner dans sa propre maison. Le mandarin ayant reçu sa déposition, le fit conduire dans le cachot des criminels condamnés à mort.

Ouang kia se voyant dans la prison, rêvait continuellement aux expédients qu’il pourrait prendre, pour se tirer de cette mauvaise affaire, et pour rendre inutile le fâcheux aveu qui lui était échappé. Plus il rêvait, et