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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/415

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Une infinité de papillons voltigeant sur les têtes fleuries des pêchers agités par les doux zéphirs, formaient une brillante parure.
Les fleurs attachées aux branches, sans être encore fanées, tapissaient partout les jardins.
Enfin toute la jeunesse de la ville répandue dans la campagne, faisait un spectacle charmant.
Chacun était dans la joie, et s’y livrait au milieu des festins.


Ouang entraîné par les douces impressions du printemps, ne songea aussi qu’à se divertir : lui et sa compagnie se régalèrent, et burent plusieurs rasades. Enfin ils se séparèrent.

Ouang arrivant dans sa maison, trouve à sa porte deux de ses domestiques, qui s’échauffaient extrêmement contre un homme de dehors. Celui-ci était de la ville de Hou tcheou, et s’appelait Liu. Il avait en main un panier plein de gingembre qu’il vendait. Les domestiques prétendaient qu’il se faisait payer trop cher la quantité qu’ils en avaient pris. Le marchand de son côté criait qu’on lui faisait tort, si on lui retranchait le moindre denier. Ouang ayant appris le sujet de leur querelle, se tourne vers le marchand : Tu es bien payé, lui dit-il, retire-toi, et ne fais point tant de bruit à ma porte.

Le marchand, homme simple et sincère, répliqua aussitôt avec sa franchise ordinaire : Il ne nous est pas possible à nous autres petits marchands de supporter la moindre perte ; cela est bien mal à vous, qui devez avoir l’âme grande et généreuse, de chicaner ainsi avec de pauvres gens.

Ouang, qui avait un peu de vin dans la tête, entre à ces mots dans une étrange colère. Coquin que tu es, lui dit-il, oses-tu bien me parler avec si peu de respect ? Sur quoi, sans faire réflexion que c’était un homme fort âgé, il le pousse rudement, et le jette à la renverse. La chute fut violente, et le pauvre malheureux resta sans sentiment ni connaissance.


CE QUI SUIT EST EXPRIMÉ EN DEUX VERS :


L’homme disparaît ici-bas comme la lune, qui vers le matin se précipite en un moment derrière la montagne.
La vie est comme une lampe, qui, lorsque l’huile vient à manquer, s’éteint à la troisième veille.


Après tout on ne doit jamais se mettre en colère, encore moins contre des gens qui vivent de leur petit commerce. Un ou deux deniers de plus ne valent pas la peine de chicaner. Il est cependant très ordinaire de voir des domestiques se prévaloir du rang et du crédit de leur maître, user de violence, maltraiter le peuple, et par là déshonorer leurs maîtres, ou leur susciter de mauvaises affaires. Aussi voit-on que ceux qui ont de la conduite, donnent chez eux des ordres si sévères, qu’ils préviennent de semblables inconvénients.