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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/50

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tiennent les assemblées : et afin que les choses s’y passent dans l’ordre, toutes les autres contribuent une certaine somme d’argent pour la dépense commune.

Le jour qu’on tient l’assemblée, vient un bonze déjà sur l’âge, qui y préside, et qui entonne les antiennes de Fo. Les dévotes entrent dans le chœur ; et après qu’on a bien crié, O mi to fo, et bien battu de petits chaudrons, on se met à table, et l’on se régale : mais ce n’est là que la cérémonie ordinaire.

Aux jours plus solennels, on pare la maison de plusieurs idoles, que les bonzes placent en cérémonie, et de plusieurs peintures grotesques, qui représentent en cent façons les peines qu’on souffre dans l’enfer. Les prières et les festins durent sept jours. Le grand bonze est soutenu de plusieurs autres bonzes, qui fortifient le chœur.

Pendant ces sept jours un des principaux soins est de préparer, et de consacrer les trésors pour l’autre monde. Pour cela, on bâtit un corps de logis de papier peint et doré : c’est un ouvrage fort propre, et où il ne manque pas la moindre pièce d’une maison parfaite. On remplit ce petit palais d’un grand nombre de boîtes de carton peintes et vernissées : c’est dans ces boîtes que sont les lingots d’or et d’argent, c’est-à-dire, de papier doré. Il y en a plusieurs centaines qui servent à se rédimer des supplices terribles qu’Yen vang, c’est-à-dire, le roi d’enfer fait souffrir à ceux qui n’ont rien à lui donner. On en met à part une vingtaine, pour gagner les gens du tribunal de ce roi des ombres. Le reste, aussi bien que la maison, c’est pour se loger, pour vivre, et pour acheter quelque charge en l’autre vie. On ferme toutes ces petites boîtes avec des cadenas de papier : puis on ferme le logis, et l’on en garde soigneusement les clefs.

Quand la personne, qui a fait tous ces frais, vient à mourir, on brûle le tout avec un grand sérieux ; puis on brûle les clefs de la maison et des petits coffres, afin qu’elle puisse les ouvrir, et en tirer son or et son argent, qui n’est plus alors de simple papier, mais qui s’est changé en argent fin, et en or excellent. Yen vang n’est point à l’épreuve de ce doux métal, rien n’est plus aisé que de le corrompre.

Cette espérance, jointe à tout cet extérieur, qui donne dans les yeux, fait une telle impression sur l’esprit des pauvres Chinois, qu’il n’y a qu’un miracle extraordinaire de la grâce qui puisse les détromper. Au reste, cet exercice de religion est parfaitement libre : on célèbre ces sortes de fêtes, quand la fantaisie en prend ; et l’on n’a jamais que de bonnes paroles de tous ces charlatans de bonzes, qui vous promettent une longue vie, de grands honneurs pour vos enfants, l’abondance des biens en ce monde, et par-dessus tout un grand bonheur dans l’autre.

Telles sont les extravagances, dont ces imposteurs amusent la crédulité des peuples. Ils se sont acquis tant d’autorité sur les esprits, qu’on voit partout des idoles que les aveugles chinois invoquent sans cesse, surtout dans le temps de leurs maladies, lorsqu’ils entreprennent quelque voyage, ou lorsqu’ils se trouvent en péril.