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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/647

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exposent à la fumée de l’eau qui bout sous un tamis d’osier, où ils sont couverts. Cette opération fait mourir les vers. Sans cette précaution, ils ne manqueraient pas de percer leur fragile logement, qui éclaterait ensuite, et le détruirait aisément. Ce serait une perte ; car outre que cette drogue est propre à la teinture, elle est d’un grand usage dans la médecine.

On ne voit pas néanmoins que les teinturiers de Peking s’en servent pour teindre les toiles de coton, les étoffes de laine, les feutres, les tcheou se, qui est une espèce de taffetas souple : ils trouvent que les ou poey tse ne rendraient pas la teinture assez forte : ils employent l’indigo, qui est excellent à la Chine ; et pour le noir, ils se servent du siang ouan tse ; c’est le fruit d’un arbre nommé siang, qui leur tient lieu de noix de galle. Il a la forme et la grosseur d’une châtaigne ; il en a même à peu près la couleur, avec une double écorce ; et il y a quelque apparence que c’est ce que nous appelons la châtaigne chevaline.

L’arbre siang, qui est d’abord chargé de chatons, produit ensuite son fruit : c’est uniquement l’hérisson ou les deux godets qui le renferment, qu’on emploie à la teinture. Quoique ce fruit soit fort âpre, les cochons s’en nourrissent. Des montagnards de la Chine rapportent, qu’après l’avoir dépouillé dans l’eau chaude de sa peau intérieure, et l’avoir fait bouillir dans une seconde eau avec du vinaigre, ils en mangent volontiers.

Comme on assure qu’aux environs de Constantinople la châtaigne chevaline est bonne aux chevaux poussifs, il se pourrait faire que ce fruit serait un bon remède pour préserver ces montagnards, qui travaillent aux mines de charbon de pierre, de l’asthme, ou de la difficulté de respirer, que ce travail continuel leur procurerait.

Quoi qu’il en soit, cet arbre est aussi haut et aussi gros que nos châtaigniers ; il croît aisément dans le nord de Peking, et dans la province de Tche kiang ; il est à croire qu’il viendrait aussi facilement dans les contrées montagneuses et stériles de l’Europe.

Je reviens aux ou poey tse. On les emploie à Peking pour donner au papier un noir foncé, et qui soit de durée. Dans les provinces de Kiang nan et de Tche kiang, d’où viennent ces grandes et belles pièces de satin, on s’en sert pour la teinture des soies, avant qu’on les travaille sur le métier.

Des lettrés chinois s’en servent pareillement pour teindre en noir leur barbe, lorsqu’elle devient blanche. Ils ont souvent intérêt de cacher leur âge, ou pour obtenir de l’emploi, ou pour se maintenir dans celui qu’ils ont.

De jeunes étudiants, pour se divertir, les emploient quelquefois à former des caractères magiques. Ils trempent un pinceau neuf dans de l’eau où l’on a fait bouillir les ou poey tse, et ils tracent des caractères sur du papier blanc. Lorsque tout est sec, on n’aperçoit aucune lettre. Prenant ensuite de l’eau un peu épaissie par l’alun, ils lavent cette écriture, et les caractères deviennent très lisibles. De même quand ils écrivent