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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/661

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TCHANG SENG,


OU
L’ART DE SE PROCURER UNE VIE SAINE ET LONGUE.


Quoique le Tien ait compté nos jours, et qu’il en soit le maître, on peut pourtant dire en un bon sens, qu’il les a laissés en notre disposition : car le souverain Tien ne fait point de distinction des personnes : il n’y a que la vertu qui le touche, et celui qui la pratique, a au-dedans de soi-même un témoignage certain de son amitié.

Il faut donc que ceux qui cherchent à prolonger leur vie, s’étudient d’abord à se rendre vertueux. Le soin réglé du corps, soutenu de l’exercice continuel de la vertu, rendra le tempérament fort et robuste, d’où il résultera une vie longue et heureuse. Qu’il me soit permis de rapporter ici ce qui m’est arrivé à moi-même.

L’aveugle tendresse d’une mère qui n’osait me contredire dans mon enfance, et qui accordait tout à mes appétits, ruina entièrement ma complexion, et m’accabla d’infirmités. Mon père, qui avait déjà perdu mes deux aînés, et qui dans un âge avancé n’avait plus que moi d’enfant, était inconsolable. Il avait eu recours aux plus habiles médecins ; mais leurs remèdes n’avaient fait qu’aigrir mon mal.

Comme on désespérait de ma guérison, mon père se dit à lui-même : il ne me reste plus qu’un moyen de conserver mon fils, c’est de faire des œuvres charitables qui touchent le cœur du Tien. Dès lors il se mit à rétablir des ponts, à réparer les chemins, à faire distribuer des habits aux pauvres, et du thé aux passants, à envoyer des vivres aux prisonniers ; de sorte qu’en une année il fit de grandes dépenses en de semblables aumônes.

Ce ne fut pas inutilement : on s’aperçut que, sans user d’aucun remède, je reprenais peu à peu un air de santé : l’appétit et les forces me revinrent, et mon père me trouva en état de vaquer à l’étude. Il me donna un maître habile, et d’un caractère plein de douceur, pour ménager ma délicatesse. L’application à la lecture me causa à la longue une rechute très dangereuse, dont j’eus beaucoup de peine à me tirer.

Alors mon père me fit une bibliothèque choisie de plus de cent volumes de médecine, et m’ordonna de me borner à l’étude de cette science : elle vous servira, me dit-il, et vous rendra utile aux autres. Je lus ces longs traités ; mais loin d’y apprendre à rétablir mes forces, je sentais qu’elles diminuaient de jour en jour.

Ainsi je renonçai à la médecine ; je songeai sincèrement à pratiquer la vertu ; je consultai des gens habiles ; je feuilletai même certains livres