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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/660

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Il déclare donc, que dans la nécessité inévitable où l’on est, de mourir un jour, il n’a songé qu’à fournir des moyens aisés de ne pas hâter le moment de sa mort par indiscrétion ou par négligence, ou du moins, de ne pas se réduire par sa faute, à traîner une vie languissante, et traversée par tant de maladies, qu’elle pourrait passer pour une mort continuelle. Ainsi Tchang seng, dans son sens légitime et naturel, ne signifie ici autre chose, que l’art de se procurer une vie saine et longue.

Il ne faut pas croire néanmoins qu’il se soit étudié à recueillir dans son ouvrage, tout ce que la médecine chinoise a de plus profond et de plus recherché. Il avoue qu’il a beaucoup lu ; mais il ne prétend pas faire parade de ses lectures, ni donner idée de son érudition.

Il propose uniquement les moyens que la lecture, ses réflexions, et sa propre expérience lui ont appris, pour rétablir sa santé, qui était fort altérée, et pour parvenir, comme il a fait, à une vieillesse robuste et exempte de toute infirmité.

Son zèle pour la conservation de ses concitoyens, l’engage à leur faire part d’un régime qu’il a si utilement observé, et qui est à la portée de tout le monde : il prétend qu’en le suivant, sans avoir recours à tant de médicaments qui révoltent la nature, et qui souvent altèrent le tempérament, chacun peut aisément devenir son médecin soi-même.

On aime à s’instruire sur une matière si intéressante, rien n’est plus naturel à l’homme que l’amour de la vie ; et le soin modéré de se la conserver, ne peut être que louable. Il ne nous est pas plus permis de nous exposer témérairement au danger de la perdre, qu’à un soldat de quitter le poste où il a été placé. Il n’y a que quand il s’agit de procurer la gloire de Dieu, ou le bien de l’État, qu’il est glorieux de la sacrifier ; et ce sacrifice passe pour héroïque, parce qu’il coûte infiniment à la nature.

L’auteur même de la nature a fortement imprimé cette inclination dans son ouvrage : car ce n’est pas uniquement par le secours trop lent des réflexions et du raisonnement, mais bien plus par un sentiment vif et prompt de douleur ou de plaisir, qu’il a voulu que nous pussions discerner ce qui est convenable ou contraire à la constitution de nos corps ; et c’est par un arrangement digne de sa sagesse infinie, que les nerfs les plus fins des trois sens, savoir, de l’odorat, du goût, et de la vue, partent d’un même endroit du cerveau, et concourent ensemble à former le sentiment exquis, qui produit un discernement si salutaire.

Au reste, on sera sans doute surpris de ce que notre médecin chinois, tout infidèle qu’il est, compte encore moins sur la vertu des remèdes, et sur l’attention à observer le régime qu’il prescrit, que sur le secours du Ciel. Il veut qu’on se l’attire par la pratique de la vertu, et par le soin continuel de régler les mouvements et les affections de son cœur. Ce sont, comme on le verra, les premières instructions qu’il donne à ceux qui veulent conserver leur santé, et prolonger le cours de leurs années.