Aller au contenu

Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/663

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je dis plus : pour éviter même jusqu’aux fautes de surprise, veillez à tout moment sur votre cœur, rentrez souvent en vous-même ; ne vous pardonnez aucune faute. Ce n’est qu’en faisant des efforts, surtout dans les commencements, qu’on avance dans la vertu.

Un homme qui a cette attention et cette vigilance sur lui-même, dût-il, selon le cours des choses humaines, être exposé à diverses infortunes, éprouvera les effets d’une protection secrète, qui par des voies inconnues le préservera de tout malheur.


II.

Conservez la paix dans votre cœur. Quand un homme n’a le cœur rempli que de vues agréables, et propres à entretenir l’union dans la société civile, ses sentiments éclatent au-dehors sur son visage ; la joie et la sérénité intérieure qui l’accompagnent, brillent dans tout son extérieur, et il n’y a personne qui ne s’aperçoive des vraies et solides douceurs qu’il goûte au fond de l’âme.

C’est ce que les Anciens ont voulu nous faire entendre par ces termes figurés : un ciel serein, un beau soleil, un doux zéphir, des nuages charmants, inspirent l’allégresse aux hommes, et même aux oiseaux. Au contraire, un temps sombre, un vent furieux, une grosse pluie, un violent tonnerre, et de continuels éclairs, effraient jusqu’aux oiseaux, qui vont se cacher dans le bois le plus épais.

Je viens donc à dire, que le sage doit toujours paraître avec un visage qui respire la paix et la tranquillité dont il jouit au-dedans de lui-même.

Vérité constante : Les passions violentes, telles que sont la haine, la colère, la tristesse, déchirent le cœur de celui qui en est possédé. Cependant il n’est pas aisé de vivre dans le commerce du monde, sans avoir de temps en temps des sujets de contradiction et de chagrin.

Ce qu’il faut faire, c’est de prendre de sages mesures, pour se mettre en garde contre ces ennemis de notre repos. Suis-je menacé d’une affaire affligeante ? Je vais tranquillement au-devant de l’orage, et je tâche de le conjurer. Y suis-je engagé malgré moi ? Je travaille à le surmonter, sans rien perdre de ma liberté d’esprit ordinaire.

Ai-je mal pris mon parti ? Je ne m'opiniâtre point à justifier mes démarches. Si pour me tirer d’un mauvais pas, on me donne des conseils injustes ? Loin de les suivre, je ne daigne pas les écouter. Si dans une affaire il arrive un contre-temps que je n’aie pu prévenir ? Je fais en sorte de m’y ajuster. Est-il passé ? Je n’y pense plus. Lorsqu’ayant agi selon ses lumières, on sait s’abandonner pour le reste aux ordres du Ciel, rien n’est capable de troubler la joie du cœur.

Au contraire, si dans le mauvais succès d’une affaire témérairement entreprise, on s’aheurte à la faire réussir ; si on roule dans sa tête mille projets inutiles, si on se livre aux mouvements impétueux de la colère, il s’allume