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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/664

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dans les viscères un feu qui les consume, les poumons en sont comme brûlés ; le sang et les humeurs s’altèrent et fermentent contre nature ; les phlegmes viciés inondent les parties internes ; l’habitude du corps ainsi dérangée, il sèche à vue d’œil.

Quand même ces fameux médecins Lou et Lien reviendraient au monde, ils ne pourraient, ni avec toute leur science, ni avec le secours des végétaux et des minéraux, réparer l’humide radical déjà ruiné. C’est ce qui a fait dire, que si les excès de la débauche font de grands ravages dans un corps, les chagrins et les peines d’esprit en font encore davantage.

Je remarque en particulier trois grands maux, que causent dans le corps le chagrin et la colère.

1° Le foie en est blessé, et par là les principes actifs du sang, source des esprits vitaux, ne se dégagent point, et restent confondus ensemble. D’ailleurs le foie qui souffre, fait souffrir la pleure, ne fût-ce que par consentement ; ce qui dégénère en un gonflement et en une enflure universelle.

2° Les poumons sont endommagés : d’où il arrive que le sang et l’air inspiré, faisant effort pour passer, malgré les obstacles qu’ils trouvent, il se fait une irritation, dont il résulte un crachement de sang, qui aboutit enfin à la phtisie formée.

3° L’estomac est gâté, et par conséquent la lymphe de ses glandes, ou le levain propre à faire la coction des aliments, s’épaissit, et n’ayant plus sa fluidité naturelle, il perd sa vertu, ce qui ôte l’appétit, et réduit enfin à l’impossibilité de prendre aucune nourriture : l’œsophage est attaqué d’une espèce de paralysie, qui l’empêche de saisir et de pousser les aliments vers l’orifice du ventricule, lequel se révolte et se soulève à leurs moindres approches.

Tels sont les funestes effets des passions violentes, dont un cœur est habituellement possédé. Quel secours peut-il espérer, et de qui peut-il se plaindre que de lui-même ?


III.

Réfléchissez souvent sur le bonheur de votre état. On est heureux, quand on sait connaître son bonheur. Cependant, combien en voit-on, qui n’ont pas le cœur content au milieu même des plus malheureux, parce qu’ils veulent l’être : l’empire est en paix ; l’année est abondante. Voilà un grand bonheur que le Tien nous a libéralement départi. Si je mène chez moi une vie douce et tranquille, qu’ai-je à souhaiter davantage ?

Pour mieux sentir mon bonheur, je pense souvent que je vis à mon aise dans ma maison, tandis que tant de voyageurs ont à souffrir les incommodités du vent, de la poussière, de la pluie ; ou naviguent sur des rivières et sur des lacs au fort d’un orage, qui élève des montagnes d’eau, prêtes