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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/666

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je l’ai transcrit sur un cartouche, et je l’ai exposé dans mon étude, afin de m'en rappeler le souvenir.


IV.

Lorsque vous jouissez d’une bonne santé, connaissez-en le prix, et étudiez-vous à la conserver. Les maladies et les infirmités sont le partage de l’homme, et il est difficile qu’il en soit tout à fait exempt. Il y en a de légères, qui par leur variété et leur continuité, rendent la vie amère. Il y en a de plus grandes, qui sont accompagnées de frayeurs et d’alarmes. Tous les temps de la vie sont sujets à ces misères. L’enfance est, pour ainsi dire, condamnée aux cris et aux gémissements. L’âge viril et la vieillesse sont exposés à de longues absences d’une famille, à des revers de fortune, et à des maladies fâcheuses.

On en voit d’autres qui sont bien plus à plaindre : ce sont ceux qui sont nés, ou qui sont devenus sourds, aveugles, muets, demi-paralytiques, estropiés, et perclus de tous leurs membres. J’ai déjà dit ce que j’ai eu à souffrir de différentes maladies compliquées ensemble ; je m’en suis délivré, et je jouis maintenant d’une santé forte et vigoureuse ; j’ai l’ouïe fine, la vue claire, l’appétit bon, l’humeur gaie. On peut, comme moi, acquérir une santé robuste, mais quand on l’a une fois obtenue, il faux savoir la conserver.

Un des meilleurs moyens, est de résister à cette pente naturelle qu’on a pour les plaisirs des sens, et d’user avec beaucoup de modération de ceux même qui sont permis. Un vieillard qui se sent aussi vif et aussi ardent pour le plaisir, que s’il était dans la vigueur de l’âge, doit apprendre à se modérer par les réflexions suivantes.

Après la cinquantième année, l’homme est sur son déclin ; le sang commence à s’affaiblir ; les esprits manquent, et la languissante vieillesse n’est pas éloignée. Quand on se promettrait cent années de vie ; est-ce là un si long terme ? Et ne serait-on pas bientôt au bout de cette carrière ? Cependant voit-on beaucoup de vieillards qui arrivent jusqu’à cent ans ?

Notre vie est si courte ; évitons avec soin tous les excès qui l’abrègent. Ne s’aperçoit-on pas que la fin approche, lorsqu’en lisant, les yeux sont sujets à des éblouissements, lorsque les pieds chancellent en marchant, lorsqu’après le repas, la nourriture fatigue l’estomac, lorsqu’après avoir parlé quelque temps de suite, on se sent essoufflé ? Tout cela n’avertit-il pas qu’on n’est plus jeune, et qu’il faut renoncer à des plaisirs, lesquels consumeraient bientôt un faible reste de santé, qu’il est si important de ménager pour conserver sa vie ?

La lampe, dit le proverbe, s’éteint dès que l’huile est consumée. On peut y en ajouter d'autre à mesure que la flamme la dissipe : mais si le suc radical du corps est une fois perdu, a-t-on des moyens de réparer cette perte ? C’est ce qui demande de sérieuses réflexions.