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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/99

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troupes ne trouvent aucun obstacle à leur passage. Lorsque l’ordre observé par le ciel[1] pour le gouvernement du monde, est prêt de causer quelque grand changement, comme, par exemple, quand le ciel est sur le point d’abandonner une dynastie régnante, il arrive alors des évènements extraordinaires, qui en sont les funestes présages. Mais ce ne sont pas toujours les mêmes, quoiqu’ils partent de la même cause.

Tous les assistants ayant loué la subtilité et la pénétration d’esprit que le philosophe avait fait paraître, l’un d’eux lui dit : Après tout, monsieur, les religions de Fo et de Lao sont répandues dans tout l’empire : elles ont pris depuis longtemps de fortes racines dans les cœurs. Faites réflexion que vous êtes seul à les combattre : je veux que vous les attaquiez avec encore plus de force, qu’on ne les a combattu dans les anciens livres, vous n’en serez pas moins assailli par une infinité de gens qui suivent cette doctrine, et vous n’avez qu’une bouche et une langue, pour répondre à un si grand nombre d’adversaires : pourrez-vous leur résister ? Et, n’est-il pas à craindre qu’en voulant apprendre aux autres la source du vrai bonheur, vous ne vous attiriez à vous-même de véritables malheurs ?

Le philosophe comprit ce que signifiait ce compliment, et jugeant qu’il avait étalé vainement son érudition, il prit occasion de la nuit qui approchait, pour s’en retourner à la ville. Les plus respectables de l’assemblée l’accompagnèrent jusqu’au pont, et c’est ainsi que finit l’entretien.


Telles sont les principales sectes qui ont cours dans l’empire de la Chine ; car il n’est pas nécessaire de parler ici de la secte des mahométans, qui se sont établis depuis plus de six cents ans en diverses provinces, où ils vivent assez tranquilles, parce qu’ils ne se donnent pas de grands mouvements, pour étendre leur doctrine, et se faire des disciples, et que dans les anciens temps ils ne se multipliaient que par les alliances et les mariages qu’ils contractaient. Mais depuis quelques années, ils ne laissent pas de faire d’assez grands progrès à force d’argent. Ils achètent partout des enfants idolâtres ; et les parents qui sont souvent hors d’état de les nourrir, ne font aucune difficulté de les vendre. Dans un temps de famine qui désola la province de Chan tong, ils en achetèrent plus de dix mille. Ils les marièrent : ils leur achetèrent, ou leur bâtirent des quartiers de ville, et même des bourgades entières : peu à peu ils en sont venus dans plusieurs endroits jusqu’à ne plus souffrir aucun habitant, qui n’aille à la Mosquée. C’est par cet artifice, qu’ils se sont extrêmement multipliés depuis un siècle.

Je ne parlerai pas non plus d’une poignée de Juifs, qui s’introduisirent à la Chine sous la dynastie des Han, qui commença à régner deux cent six ans avant Jésus-Christ. Ils étaient dans le commencement plusieurs familles, mais leur nombre est fort diminué, et il n’en reste présentement que sept. Ces familles s’allient les unes aux autres, sans se mêler avec

  1. Tien tao Kiung.