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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/98

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qui écoutent ces prétendus immortels, associés, à ce que l’on dit, aux esprits, ont toujours été très pernicieux à leur patrie.

— Je ne vous passerai point ces derniers mots, dit un de l’assemblée : vous ne pouvez ignorer que le roi des King[1], fuyant après une défaite, passa la profonde rivière de Yang se ; et que par un prodige inespéré, ses chevaux n’eurent de l’eau que jusqu’aux sangles. De même le prince héritier, et le dernier de la race des Yuen ayant vu tailler en pièces presque toute son armée, fut contraint de fuir avec une précipitation extrême vers le nord, il arriva, comme vous savez, sur les bords d’une grande rivière ; et n’y ayant point trouvé de barques pour gagner l’autre rivage, et continuer sa fuite, il parût tout d’un coup en l’air un grand pont de métal, sur lequel il passa la rivière. Direz-vous que ce sont-là des prodiges, qui ne méritent pas la peine d’en parler ?

Voici ce que je pense, répondit le philosophe ; ce qui dans le ciel et sur la terre, est le principe des productions les plus admirables, cet Être, ce ki, fortifie ceux qui sont faibles, et affaiblit ceux qui sont trop forts[2]. Avant les dynasties Hia et Chang, la Terre n’était guère peuplée, et il n’était né encore qu’un petit nombre d’hommes. Le Ciel qui était alors dans toute sa vigueur, était plus propre à produire des sages et des hommes extraordinaires, qui contribuèrent à l’entretien et à l’abondance des peuples ; mais il dégénéra dans la suite des temps : les hommes s’étant extrêmement multipliés, la malice et la corruption du cœur humain devinrent générales ; on ne vit presque plus de droiture et de vertu : les voies[3] du ciel, la raison, l’ordre, le Ciel ne pût souffrir tant de scélérats : c’est pourquoi il produisit ces fléaux des peuples ; ces hommes sanguinaires, qui ne se plaisent que dans la guerre et dans le carnage : il fit naître un Pe tchi qui causa la ruine de Tchao, et des troupes sans nombre qu’il commandait. Lieou tao tché fut un autre foudre de guerre, qui porta le ravage et la désolation dans toutes les provinces.

Pour ce qui est des deux points d’histoire que vous me citez, vous ne devez pas douter que cette faveur fut accordée à ces princes, afin de conserver quelques restes de la dynastie Yuen et de la nation King, qui sans ce secours auraient été éteintes. Il est constant que la conduite du ciel[4] n’est point aveugle ni dépourvue de connaissance ; s’il traverse[5] la prospérité, c’est qu’elle passe les bornes. Je vous en rapporterai un seul exemple.

Le ciel a-t-il dessein de rétablir dans sa splendeur la dynastie des Han ? Il a soin, lorsque Quang vou se trouve arrêté sur les bords d’un fleuve large et rapide, de glacer subitement les eaux du fleuve, afin que lui et ses

  1. Ancêtres des Mantcheoux, qui se rendirent maîtres de la plus grande partie de la Chine, et qui furent ensuite presque tous exterminés par les Tartares occidentaux.
  2. Voici le texte : Tien ti Tsao hoa tchi ki pou Tsou tché Tsou tchi teoi Tu tché Sun tchi.
  3. Voici le texte : Tien tao ngou ngo gin tchi to kou.
  4. Tuen fei Tien tao vou tchi.
  5. Nai Sun ki Yeou Yu Ye.