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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/138

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LA LUTTE POUR LA VIE

La pêche sous la glace : cela est bien vite dit, et, en France, on ne conçoit guère ce qu’il y a de fatigues et de souffrances, sous ces quatre petits mots : pêcher sous la glace.

D’abord, il faut aller bien loin ; car le poisson, en hiver, se réfugie dans les profondeurs des grands lacs ; et la moindre distance d’ici, pour l’atteindre, est au moins deux jours de marche. Voilà donc deux de nos bons Frères obligés d’aller séjourner durant quatre à cinq mois loin de nous, sous une tente de peau. S’ils avaient encore du bois à discrétion pour résister, par un bon feu, à des températures de 35 à 40o de froid ! Mais non ; ils vont se rendre dans une île bien dépourvue sous ce rapport. Puis quel travail, et même, peut-on dire, souvent quel martyre, de se tenir, le jour entier, par des froids pareils, sur une plaine de glace immense et à découvert, exposés à des vents glacés et à des poudreries de neige aveuglantes ; de creuser des bassins dans une glace de quatre, cinq et six pieds d’épaisseur, bassins qu’il faudra refaire le lendemain, car le froid de la nuit se chargera bien de les refermer ; d’avoir des heures et des heures, les mains nues dans l’eau et la glace, tandis que les pieds restent immobiles dans la neige ; ce qui occasionne parfois des douleurs intolérables ! Et puis, ce poisson que l’on prend au prix de tant d’épreuves, il faut bien le rendre ici. Encore deux frères et deux traîneaux à chiens continuellement en route à cet effet ; quatre jours de marche à la raquette. Ce ne sont pas des voyages d’agrément dans ces rigueurs de la saison. Les hommes endurent de grandes fatigues, et les chiens encore plus : qu’ils gagnent bien la triste pitance qu’on leur réserve pour chaque soir en voyage ! Encore, Dieu soit loué si la pêche réussit dans ces conditions ! Mais parfois le poisson manque dans ces rudes hivers. Et alors !… Comprenez-vous cet alors de souci pour le pauvre père de famille ? N’avoir rien pour calmer la terrible faim des siens ! Heureusement, nous avons affaire à la divine Providence, et nous pouvons toujours avoir recours à la prière, à celle surtout de nos chers petits enfants. Notre bon Père du ciel ne nous délaissera pas…


Oui, la prière, prière des petits enfants, prière des sœurs de la Charité, prière du missionnaire, voilà le refuge suprême de la confiance courageuse et le dernier secret du triomphe de nos missions polaires, dans la lutte pour leur subsistance.

Elles furent spécialement confiées, ces prières, à saint Joseph, père nourricier du divin Ouvrier et des pauvres. C’est lui que le vicaire apostolique du Mackenzie a nommé son Procureur en Chef. C’est en son honneur que sont chantées les messes d’actions de grâces pour tous les bienfaits.