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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/139

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AUX GLACES POLAIRES

Et jamais saint Joseph ne trompa la prière de ses enfants du Nord. Il se fit leur providence. Il apporta sans cesse le nécessaire, et souvent un peu de superflu. Il lui arriva de se cacher, comme pour laisser mieux voir que tout était humainement perdu ; mais il reparut toujours, à l’heure critique, ne reculant même pas devant le miracle, s’il fallait le miracle…

N’est-ce pas un miracle permanent déjà que de tous nos missionnaires, de nos religieuses et de nos orphelins, nul ne soit mort de faim, en ces trois quarts de siècle ? Qu’il soit donc béni, le grand Travailleur invisible de nos missions glaciales !


L’une des dernières interventions merveilleuses du saint Pourvoyeur, que nous ayons apprise, sauva d’une famine imminente l’orphelinat Saint-Joseph, au fort Résolution, sur le Grand Lac des Esclaves. Elle date du mois de mars 1917.

La pêche de l’automne avait été insuffisante, et la chasse à l’orignal, sur laquelle on compte toujours un peu pour « combler les vides », avait fait entièrement défaut, tout l’hiver.

Aux caribous (rennes), il ne fallait pas songer. Leurs troupeaux ne fréquentaient plus, depuis des années, ces parages du Grand Lac. De plus, c’était l’époque de leur retour à la mer Glaciale. Des sauvages arrivés de l’est du lac, à 500 kilomètres du fort, avaient dit que les bois favoris des rennes pour leur hivernement étaient désertés.

La pêche sous la glace n’avait jamais été si misérable. Les frères Kérautret et Meyer, qui étaient allés se loger sur un îlot lointain, avaient pris quatre truites en dix jours, avec leurs 70 hameçons tendus ensemble, sur un long espace, dans l’eau profonde. La visite de ces hameçons avait même failli être fatale au Frère Meyer. S’avançant, un matin, dans la brume qu’écrase toujours un froid de plus de 40 degrés centigrades, il n’aperçut pas une large crevasse qui s’était formée pendant la nuit et il y tomba. Il ne dut son salut qu’au long manche d’un outil, destiné à creuser des bassins, qui se posa en travers sur la glace, et auquel il se trouva suspendu par les mains.

Cependant les réserves achevaient de s’épuiser. Cent