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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/151

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AUX GLACES POLAIRES

Un petit nombre des voyageurs des Pays d’en Haut furent, il est vrai, des semeurs d’impiété ; et Mgr Taché déplora qu’ils eussent rendu très difficile la conversion de certains groupes qu’ils avaient corrompus, chez les Sauteux surtout. Mais le grand nombre, presque tous, respectèrent les lois de Dieu. Si plusieurs se laissèrent aller à des faiblesses, qui, d’ailleurs, nous scandaliseraient plus qu’elles ne scandalisèrent les Indiens eux-mêmes, ils ne furent jamais irréligieux. Ils s’étaient détachés de ces rivages de France, qu’embaumait encore la foi du pêcheur normand, breton, vendéen, au temps,


Où tous nos monuments et toutes nos croyances
Portaient le blanc manteau de leur virginité.


Au milieu de leurs égarements, ils s’étaient souvenus du catéchisme de leur enfance. Ils ne blasphémaient pas. Ils baptisaient leurs enfants mourants. Ils priaient sur le corps de leurs défunts. Ils savaient redire à ceux qui les sollicitaient à l’injustice le vieux dicton : « Je suis pauvre, mais, Dieu merci, j’ai de l’honneur ! » Et, lorsqu’au feu du bivouac, les chefs sauvages leur racontaient les chasses d’antan et les danses des ancêtres ; eux, les fils de la France et de Québec, racontaient, en retour, les histoires qu’ils avaient apprises de leurs pères, et parlaient du vieux curé qu’ils n’avaient qu’entrevu, mais dont le souvenir avait laissé au fond de leur âme comme un rayon de Dieu :

« — Oui, ils viendront un jour à vous, les hommes de ce Dieu, disaient-ils. Vous les reconnaîtrez à leur robe noire. Vous ne pourrez vous y tromper, car ils n’auront pas de femme. N’écoutez pas les priants mariés. Mais le prêtre, l’homme de la prière véritable, suivez-le. Il vous conduira au bonheur, dans la terre du Grand Esprit. »

Ainsi firent-ils naître le désir de la foi. Leur prédication fut comme une imprégnation inconsciente, mais profonde, une germination lente, mais vivace, que la main du missionnaire n’eut qu’à bénir pour la faire éclore[1].

  1. La conversion de certaines nations, comme les Pieds-Noirs de la prairie, les Kwakwilth de la Colombie anglaise, les Esquimaux de l’océan Glacial, bien qu’entreprise depuis longtemps, n’est encore que