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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/291

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AUX GLACES POLAIRES

pluie. La partie achevée, ils tombaient, exténués. De tente pour s’abriter, de vêtements pour se défendre contre le froid, ils n’avaient presque pas, car les femmes, aussi passionnées que les hommes pour la morra indienne, avaient assisté à la joute, n’ayant garde de coudre les peaux de la loge, ni de raccommoder les hardes du ménage. Comme leurs hommes, elles s’endormaient, insouciantes, à la belle étoile. La grippe, la pneumonie n’avaient qu’à prendre.


Le Père Faraud fut le premier des Oblats à visiter les Castors. Il écrivit ses impressions à Mgr Taché, dès son troisième voyage, en 1860 :


… Les Castors m’avaient fait demander à maintes reprises. Ils disaient mourir de chagrin d’être sans cesse privés de la présence du prêtre qui devait les instruire et leur ouvrir la porte du ciel. Je m’étais donc figuré qu’il n’y avait qu’à se présenter et que tout était fait. Il en a été, certes, bien autrement. Le Castor, a un caractère double et lâche. Dès la première semaine, il faut leur rendre justice, ils se sont montrés zélés pour apprendre leurs prières ; pourtant, cela ne les empêchait pas de jouer à la main et de faire de la sorcellerie, toute la nuit… Je les avertis d’apporter leurs enfants au baptême : Ils me répondirent qu’ils ne le voulaient point, parce que, leurs enfants une fois baptisés, ils ne pourraient plus faire de la médecine sur eux, et qu’ils mourraient tous. Ainsi, voilà une tribu entière qui dit vouloir être chrétienne et qui refuse de passer par la porte du christianisme, le baptême… L’œuvre de la conversion de ce peuple sera donc un long travail. Que de tristes nuits cette pensée m’a apportées ! Les Castors sont si peu nombreux, leur bonne volonté est si faible, nos ressources sont si bornées… Pourrons-nous jamais nous fixer parmi eux ? Ne faudra-t-il pas abandonner cette tribu à son sens réprouvé ?…


Malgré le peu d’espoir de recueillir jamais une moisson, le Père Faraud, devenu vicaire apostolique d’Athabaska-Maekenzie, sacrifia aux Castors la vie d’un missionnaire plein de jeunesse, de zèle et de santé : le Père Tissier. Il fut l’installer lui-même, au fort Dunvégan, en 1866. Tous deux retournèrent à la Nativité, pour attendre le sacre de Mgr Clut, en 1867.

L’automne même de 1867, le Père Tissier se rendit à son poste de la mission Saint-Charles. Il y demeura jusqu’en 1883.