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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/323

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AUX GLACES POLAIRES

nons sur le dos nos couvertures et nos vivres, et nous nous dirigeons vers le Grand Lac des Esclaves, sans raquettes, à travers le bois, les marécages et les savanes aux grandes herbes. Après deux jours de fatigues inouïes, nous arrivâmes à la mission Saint-Joseph, surprenant le Père Dupire, qui ne nous attendait plus.

« Voilà, Monseigneur, le récit de mon voyage du fort Smith, voyage qui ressemble un peu à ceux dont Votre Grandeur a eu si souvent la triste expérience, et où notre bonne Mère du Ciel s’est toujours montrée si fidèle à sauver le missionnaire du Mackenzie.

« Mais, dans ce voyage, et sur le chemin que nous força de prendre notre mésaventure, Dieu me ménageait la grande consolation de rendre heureux un pauvre mourant, rencontré au milieu du bois. Il n’espérait plus me voir ici-bas. Aussi, en me serrant la main, de grosses larmes roulaient sur ses joues.

« — Pourquoi pleures-tu, lui dit un de mes jeunes gens ? Nous ne sommes pas maîtres de notre vie ; elle appartient à Dieu.

« — Oh ! c’est de bonheur que je pleure, répondit le malade ! J’avais perdu l’espoir de revoir le père et de pouvoir encore me confesser, et voilà que le père me serre la main ! Que je suis content ! Père, écoute ce rêve que j’ai fait cette nuit. Il me semblait que j’étais tombé dans la rivière des Esclaves ; j’ai voulu saisir une épave qui m’a toujours échappé : c’est la vie qui s’en va, je le vois bien, et que je ne puis saisir. Mais que la volonté de Dieu soit faite ! Je t’ai vu. Je me suis confessé. C’est assez ! »

« N’est-ce pas là, Monseigneur, une ample compensation aux petites misères que nous nous imposons pour nos chers Indiens ?… »