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Page:Dulac - La Houille rouge.pdf/222

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mirent une trêve dangereuse à l’obligation de payer ses dettes, et l’on ne sut plus au juste où était son Devoir. Pendant quelques semaines on le chercha dans la Bonté, et beaucoup l’y rencontrèrent.

Si quelque chose peut consoler les acteurs et les spectateurs du drame de ces premiers jours de campagne, c’est d’avoir pu vivre précisément dans une atmosphère de solidarité surhumaine. Tout le monde fut bon, jusqu’au barrage de l’invasion. Tous les cœurs s’émurent ; toutes les escarcelles se vidèrent ; toutes les morgues fondirent. On vit les mains pâles des oisives dans les mains rudes des travailleurs ; du haut en bas de l’échelle des classes il n’y eut pas une discordance ; dans le naufrage de la Patrie tous les Français firent assaut de bonté. Qu’on l’appelle fraternité ou charité, elle jaillit comme une source vive ; et pendant quelques jours elle fut la Police et la Loi. Son élan si pur et si magnifique devait s’imposer et régner sur le malheur ; elle n’y manqua point. Elle fut la reine que le peuple, un peu penaud, élut pour panser ses blessures. On la vit dans les hôpitaux toute de blanc vêtue, n’ayant pour toute parure qu’une croix couleur de rubis ; on la trouva gainée de noir dans les ouvroirs, dans les soupes populaires, dans les œuvres d’assistance. Elle montait les escaliers les plus sordides, visitait les moindres recoins de la misère et découvrait jusqu’aux détresses farouches et orgueilleuses.