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ASCANIO.

projets de mariage avec elle, expressément défendu à dame Perrine de recevoir Ascanio, sous quelque prétexte que ce fût, la menaçant de tout dire à son père si elle désobéissait, et comme la gouvernante avait jugé à propos, de peur d’être accusée de complicité avec lui, de taire les projets hostiles du maître d’Ascanio, la pauvre Colombe se croyait bien défendue de ce côté-là.

Et que l’on n’aille pas croire cependant que la douce enfant que nous avons vue fût résignée à obéir en victime aux ordres de son père. Non, tout son être se révoltait à l’idée de son alliance avec cet homme pour lequel elle aurait eu de la haine si elle eût su ce que c’était que ce sentiment. Aussi roulait-elle sous son beau front pâle mille pensées étrangères jusqu’alors à son esprit, pensées de révolte et de rébellion qu’elle regardait presque aussitôt comme des crimes et dont elle demandait à genoux pardon à Dieu. Alors elle pensait à aller se jeter aux genoux de François Ier. Mais elle avait entendu raconter tout bas que dans une circonstance bien autrement terrible la même idée était venue à Diane de Poitiers, et qu’elle y avait laissé l’honneur. Madame d’Étampes pouvait aussi la protéger, la sauver si elle voulait. Mais le voudrait-elle ? n’accueillerait-elle pas par un sourire les plaintes d’une enfant ? Ce sourire de dédain et de raillerie, elle l’avait déjà vu sur les lèvres de son père quand elle l’avait supplié de la garder près de lui, et ce sourire lui avait fait un mal affreux.

Colombe n’avait donc plus que Dieu pour refuge ; aussi se mettait-elle à son prie-Dieu cent fois par jour, conjurant le maître de toutes choses d’envoyer du secours à sa faiblesse avant la fin des trois mois qui la séparaient encore de son redoutable fiancé, ou, si tout secours humain était